54 millions d’euros redressés en 2024, un record. Lors de sa conférence de presse du lundi 17 mars, l’Urssaf Languedoc-Roussillon a dévoilé des chiffres sans équivoque : la lutte contre le travail dissimulé s’intensifie et les résultats sont là.
Le lundi 17 mars, l’Urssaf Languedoc-Roussillon a dévoilé des chiffres impressionnants concernant ses actions dans la lutte contre le travail dissimulé. En 2024, l’organisme a engagé pas moins de 1 700 actions, permettant d’opérer des redressements qui atteignent désormais plus de 54 millions d’euros, soit une hausse spectaculaire de 84,7 % par rapport à l’année précédente. Ces résultats viennent s’ajouter à une tendance de fond, où les montants redressés ont été multipliés par 6,8 en 10 ans et par 2,5 en seulement deux ans.
À fraude massive, réponse musclée
Le travail dissimulé prend plusieurs formes : emplois non déclarés, heures travaillées passées sous silence, fausses sous-traitances ou encore fraudes à la mobilité internationale. Dans une région où le BTP, la sécurité et le nettoyage sont particulièrement concernés, l’Urssaf a accentué ses contrôles. “Nous avons mené 1 700 actions en 2024, dont 208 ciblées sur la fraude. Dans 99,5 % des cas, elles ont abouti à un redressement”, précise François Hiebel, directeur régional de l’Urssaf Languedoc-Roussillon.
Les sommes en jeu sont colossales :
- 27,12 millions d’euros redressés dans le BTP (50 % du total)
- 18,61 millions dans la sécurité (35 %)
- 1,8 million dans le nettoyage (4 %)
- le reste étant réparti entre les hôtels, cafés, restaurants et d’autres secteurs
En une décennie, les redressements ont été multipliés par 6,8. Dans le rapport fourni par l’Urssaf Languedoc-Roussillon, sur les 54 millions d’euros redressés en 2024, l’Hérault se distingue largement avec un redressement de 45,49 millions d’euros, soit une hausse spectaculaire de 135 % en un an. Le Gard, plus modéré, enregistre un redressement de 5,43 millions d’euros, une progression plus modeste de 13,5 %. En revanche, les Pyrénées-Orientales connaissent un recul de 22 %, avec seulement 1,65 million d’euros récupérés, tandis que l’Aude affiche une chute de 51 %, totalisant 1,55 million d’euros.
Une explosion qui ne traduit pas nécessairement une hausse de la fraude, mais plutôt “une meilleure efficacité des contrôles”, avance Élidie Mentrel, directrice du contrôle. “Nous avons croisé davantage de données et développé des outils de détection plus performants. Notre action est plus ciblée, plus rapide, plus efficace.”

Dans le viseur du data-mining
L’Urssaf n’a pas seulement renforcé ses effectifs, elle a aussi perfectionné ses méthodes. Grâce à l’analyse de données (data-mining), la sélection des entreprises à risque est plus précise. “Loin du simple hasard, nos contrôles sont aujourd’hui guidés par des algorithmes capables de repérer des incohérences dans les déclarations”, développe-t-elle.
L’organisme a également renforcé ses partenariats avec la police, la gendarmerie, l’Inspection du travail, Tracfin et l’Office central de lutte contre le travail illégal. “Nous agissons sous l’autorité des préfets et des procureurs. Dans chaque département, nous participons aux comités départementaux d’action contre la fraude. Ce travail est partenarial, mais aussi un travail d’équipe au sein de l’Urssaf”, insiste François Hiebel. Au total, 55 inspecteurs ont contribué à ces résultats.
Un impact concret sur la protection sociale
Les redressements ne sont pas qu’une question de chiffres : ils financent directement les prestations sociales. “54,2 millions d’euros, c’est l’équivalent de 22 580 accouchements pris en charge ou de 131 800 allocations de rentrée scolaire”, illustre l’institution.
Mais l’Urssaf Languedoc-Roussillon ne se contente pas de sanctions : “La prévention reste une priorité, affirme le directeur. Certains employeurs basculent dans l’irrégularité par méconnaissance plus que par volonté frauduleuse. C’est pourquoi nous avons mené 1 478 actions pédagogiques en 2024.”
Un point sur lequel insiste Élidie Mentrel : “Nous distinguons bien les erreurs involontaires des fraudes avérées. Mais soyons clairs : employer une personne sans la déclarer, ce n’est pas une simple méconnaissance des règles, c’est une volonté délibérée d’augmenter ses marges en niant les droits des travailleurs.”
Un défi persistant : le recouvrement
Si les redressements explosent, le recouvrement reste un combat. Certains fraudeurs organisent leur insolvabilité ou disparaissent avant même d’être inquiétés. “Détecter, c’est une chose. Récupérer les sommes dues, c’en est une autre”, reconnaît Élidie Mentrel.
Pour contrer ces entreprises “fantômes”, de nouvelles obligations ont été instaurées :
- la publication des transmissions de patrimoine au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc)
- l’attestation de compte à jour en cas de liquidation amiable
- le meilleur suivi des sociétés éphémères.
“Le travail dissimulé est, par nature, caché. Toute notre difficulté est de le faire remonter à la surface”, résume François Hiebel. Dans un contexte où la fraude sociale est estimée entre 7 et 9 milliards d’euros en France, l’Urssaf Languedoc-Roussillon entend bien continuer à “traquer les tricheurs”.
Photo : en 2024, l’Urrsaf a engagé 1700 actions. ©DR
Louise Brahiti