Réutilisation des eaux usées : « Quand l’eau se raréfie, il faut trouver des ressources alternatives »  

access_time Publié le 18/11/2024.

Avec le changement climatique, l’eau se fait de plus en plus rare. L’une des solutions réside dans la réutilisation des eaux usées traitées, technique pourtant encore peu exploitée en France. Pour Eric Servat, hydrologue et directeur du Centre international Unesco sur l’eau (Icireward) à Montpellier, les solutions alternatives comme la réutilisation des eaux usées traitées deviennent essentielles dans un contexte de changement climatique.

En France, seules 1% des eaux usées sont réutilisées. Contre 8% pour l’Italie et 15% pour l’Espagne. Un retard qui n’a plus de sens dans un pays où les épisodes de sécheresse sont de plus en plus intenses. Pour Eric Servat, hydrologue et directeur du Centre international Unesco sur l’eau (ICIREWARD) à Montpellier, les solutions alternatives comme la réutilisation des eaux usées traitées deviennent essentielles dans un contexte de changement climatique où la ressource est très affectée. “Nous ne pouvons plus faire autrement”, lance l’hydrologue, qui est aussi directeur de recherche à l’IRD et professeur associé à l’université de Montpellier. 

Pourquoi la France est-elle autant en retard dans la réutilisation des eaux usées traitées ? 

Eric Servat : Jusqu’à présent, nous avions un contexte réglementaire plus contraignant et plus sévère qu’en Espagne ou qu’en Italie. Mais des décrets, parus ces derniers mois, desserrent les contraintes pour permettre la réutilisation des eaux usées traitées, des eaux de pluie ou des eaux grises sorties d’évacuations de douche, de lavabo ou de lave-linge. On peut par exemple penser à équiper des maisons existantes ou des logements dans de nouveaux quartiers urbanisés pour économiser de l’eau potable sur les chasses d’eau. Les contraintes sanitaires et réglementaires se relâchent. C’est lent mais cela progresse petit à petit. 

Nous voyons beaucoup d’initiatives locales se développer, notamment dans l’Hérault.
Ont-elles les capacités de passer à grande échelle ? 

E.S : Le système s’ouvre petit à petit donc il faut que les choses se mettent en place progressivement. Ces initiatives ont valeur de test et de démonstration en matière de faisabilité et d’intérêt. Petit à petit, on peut penser que des installations et des projets vont aller vers des réponses plus systématisées. 

Quels sont les points à considérer avant de se lancer dans un projet de réutilisation des eaux usées traitées ?  

E.S : D’abord, il faut prendre en compte la qualité de l’eau réutilisée. Les traitements à faire en sortie de station ne seront pas les mêmes et n’auront pas le même coût selon la pollution de l’eau usée traitée. Ensuite, l’utilisation de cette ressource ne se fera pas forcément à côté de la station donc cela peut être coûteux d’installer un système de canalisation. Enfin, il n’est pas possible d’installer ce système partout. Par exemple, l’eau qui sort d’une station permet aussi de maintenir un débit dans les cours d’eau dans lesquels elle est rejetée. Si elle est réutilisée ailleurs, vous mettez potentiellement en danger l’écosystème aquatique animal et végétal en aval – surtout en période estivale de sécheresse. Dans l’Hérault, c’est donc plus intéressant de réutiliser l’eau usée en bordure de littoral car les stations la rejettent en mer et elle n’a pas d’autre utilité. 

Comment évolue la ressource en eau dans l’Hérault ? 

E.S : Les années de sécheresse en 2022 et 2023 vont être de plus en plus fréquentes, plus longues, plus dures, avec des problèmes de disponibilité de la ressource. Idem pour les événements cévenols ou méditerranéens avec des précipitations d’une intensité incroyable qui vont se multiplier. Je crois donc à la réutilisation des eaux traitées dans le Languedoc-Roussillon car nous allons avoir besoin de mobiliser des ressources alternatives, alors que notre économie est dépendante du tourisme pendant la période estivale, quand notre ressource est le plus en difficulté. Sachant que l’eau est aussi nécessaire pour les agriculteurs ou pour éteindre des incendies ou des feux de forêt. 

En quoi la réutilisation des eaux usées est une solution face à cette raréfaction de la ressource ? 

E.S : Quand l’eau se raréfie, il faut faire des choix et il vaut mieux essayer de préserver la ressource naturelle pour des usages comme la consommation d’eau potable. Donc il faut arrêter de l’utiliser pour nettoyer la voirie, faire de l’hydrocurage et arroser les espaces verts publics. Pour autant, ces usages ne vont pas disparaître donc il faut trouver des ressources alternatives. 

Quel est le lien avec le changement climatique ? 

E.S : L’eau est le premier marqueur du changement climatique. Toutes les perturbations engendrées par le réchauffement climatique ont une répercussion immédiate sur cette  ressource, qui se raréfie avec une baisse des précipitations. En face, l’eau est devenue incontournable dans notre vie. Toutes nos activités en sont dépendantes. Travailler sur les questions liées à l’eau, directement impactées par le gigantesque défi du changement climatique, est donc naturel pour moi. 

Propos recueillis par Théa Ollivier

Photo : Eric Servat © Rémi Muller – Photothèque Unesco Icireward

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