Le film de Jean-Jacques Beineix, tourné en partie sur la plage des chalets, continue d’attirer les touristes et les cinéphiles dans ce quartier atypique de la station balnéaire, 38 ans après sa sortie.
Pas une semaine ne passe sans que des vacanciers demandent à l’accueil de l’office de tourisme de Gruissan : « Il est où le chalet du film 37 °2 le matin ? » Réponse : il a brûlé. « Cela arrive au moins trois à quatre fois par semaine« , confirme une employée. N’empêche, trente-huit ans après sa sortie, le sulfureux film de Jean-Jacques Beineix, adaptation du livre éponyme de Philippe Djian (37°2 est la température normale du femme enceinte au réveil), porte toujours la lumière sur la plage des Chalets de Gruissan. « Cela s’est un peu calmé mais il y a toujours des touristes qui nous demandent où est le chalet », confirme une propriétaire.
Car c’est ici, en 1985, que le réalisateur a tourné durant trois semaines une partie de ce film sulfureux : l’histoire et les déboires d’un couple, Zorg (Jean-Luc Anglade) et Betty (Béatrice Dalle), rongé par une passion aussi sensuelle que destructrice. Preuve en est : le chalet sur pilotis dans lequel vit le héros est incendié par la jeune et incontrôlable Betty. Construit pour les besoins du film, celui-ci a été entièrement brûlé à la fin du tournage pour cette scène. Rien n’en subsiste aujourd’hui, si ce n’est son image tenace dans les mémoires des cinéphiles et l’inconscient collectif.
« Un film qui sentait la transpiration »
Le lieu avait été choisi pour ces chalets et sa lumière, donnant à ses paysages des allures de Californie. Comme le raconte Jean-François Robin, directeur de la photo, dans un carnet de tournage en ligne, l’idée était de trouver une lumière dorée. « Dans ses films, Jean-Jacques avait l’habitude de mettre en image des visages et des décors un peu froids, comme dans « Diva » par exemple. Pour ma part, je trouvais que 37°2 était tout le contraire d’un film froid: c’était un film qui sentait la transpiration, la chaleur, la sueur, la sensualité… (…) Nous avons commencé à travailler la lumière telle qu’on la découvre à l’écran : chaude, saturée, formelle, avec des couleurs franches s’inspirant des diapositives Kodachrome.«
Tournage fiévreux
Le tournage fut d’ailleurs aussi fièvreux que le résultat sur la pellicule. Béatrice Dalle, révélée par ce film à l’âge de 20 ans, est connue pour son caractère bien trempé et le réalisateur en a parfois fait les frais. « La scène où je jette tout par la fenêtre dans le bungalow, je m’étais engueulée avec Beineix juste avant donc je m’étais dit que tout ce que j’allais jeter par la fenêtre, j’allais lui jeter sur sa gueule, confesse-t-elle dans l’émission En Aparté de Canal + du 5 février 2024. Ils ont tous des casques de bécane parce que je vise Beineix qui a la caméra et je lui mets tout dans sa face. » Dans un excès de colère, elle est allée jusqu’à prendre la Mercedes du film pour la mettre dans un mur…
Le film a cependant été un énorme succès (3,6 millions de spectateurs lors de sa première sortie en salles le 9 avril 1986, primé aux Césars et nommé à l’Oscar du meilleur film étranger) et sa popularité a rebondi par ricochets sur la plage des Chalets, qui a vu sa fréquentation exploser après sa sortie. Pour graver dans le bois cette reconnaissance envers le cinéma, la mairie a installé une reproduction miniature du chalet parti en fumée à l’entré de la plage. A coup sûr, il fera encore longtemps 37°2 le matin à Gruissan.
Cyril Durand
Photo principale : Le réalisateur Jean-Jacques Beineix durant le tournage à Gruissan en 1985 © DR.
Retrouver les deux premiers articles de notre série sur la plage des Chalets de Gruissan avec le reportage sur l’esprit des chalets (ici) et celui sur les prix de l’immobilier dans ce coin de littoral (ici).