Patricia Mirallès : “A toutes les jeunes filles : Battez-vous ! Personne n’a le droit de vous dire que vous n’y arriverez pas ”

access_time Publié le 10/03/2024.

Patricia Mirralès en déplacement à Sète ©Frederic Petry/Hans Lucas/Hans Lucas via AFP

“Nous devons beaucoup à toutes celles qui, dans l’ombre ou la lumière, se sont battues pour la France”. En cette journée internationale des droits des femmes, Patricia Mirallès, Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, a réalisé un ouvrage retraçant le parcours de 100 femmes combattantes de la Résistance. Des femmes courageuses, inspirantes, pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui et de demain.

Les femmes ont joué un rôle actif dans la Résistance, une réalité qu’on ne nous apprend pas, votre ouvrage vise-t-il à le rappeler ?

Patricia Mirallès : Les femmes ont longtemps été reléguées au 2nd plan du fait de la surreprésentation masculine dans les luttes armées auxquelles la France et les Français ont pris part. L’engagement des femmes dans nos armées, ou dans les conflits historiques, est désormais parfaitement documenté. Nous devons beaucoup à toutes celles qui, dans l’ombre ou la lumière, se sont battues pour la France. L’objectif de ce recueil est de rappeler que des femmes ont accepté de risquer leur vie avec une seule volonté, celle de servir notre Nation et de défendre ses valeurs. 

Aussi, à l’heure où l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations est l’une des priorités du Gouvernement, le ministère des Armées se devait de rappeler ce que notre pays doit à celles qui, en prenant les armes pour le défendre, n’ont pas hésité à braver les assignations de genre.

100 femmes combattantes sont mises à l’honneur. Comment a été opérée cette sélection ?

P.M : Ce livret, résultat d’un travail long et approfondi, s’inscrit dans une série de publications du ministère des armées à destination des maires et des élus locaux. En effet, sa vocation première est de leur fournir un répertoire de noms et de biographies dans le but de nommer des rues et des lieux publics. Il s’agit d’un geste essentiel de reconnaissance publique pour ceux et surtout celles qui ont combattu pour la France.

Des milliers de femmes mériteraient d’être dans ce recueil, mais nous en avons sélectionné seulement 100 parmi celles qui ont combattu dans les guerres menées par la France (à l’exclusion des guerres civiles) depuis la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’aux opérations extérieures de ces dernières années.

Il y a quatre Héraultaises parmi elles. Qui sont-elles ? Est-ce important pour vous de resituer localement les mouvements de Résistance ?

P.M : Je crois que vous le savez déjà, mais en tant que héraultaise, je suis profondément attachée à l’histoire de mon territoire. J’ai donc souhaité qu’elles soient mises à l’honneur. Nous avons Jeanne Atger qui faisait partie des rares femmes exerçant à l’époque comme médecins de campagne. Elle a débuté son action dans la Résistance par la diffusion de journaux clandestins de la Résistance chrétienne et en fournissant des faux papiers aux premières victimes de la répression de Vichy. Odette Capion-Branger était, elle, employée aux Galeries Lafayette de Montpellier. Elle a été emprisonnée après avoir ouvert une imprimerie clandestine pour continuer ses activités syndicales. Mais elle ne s’est pas arrêtée là, elle a, en février 1944, participé à l’évasion de résistants de la prison centrale de Nîmes. Elle a été arrêtée, sur dénonciation, incarcérée et déportée dans les camps de de Neue Bremme et de Ravensbrück.

Il y a également Simone Demangel qui a mis à profit sa connaissance du terrain pour organiser des caches d’armes, des filières permettant des passages vers l’Espagne ainsi qu’un service social pour les familles des résistants. Elle a participé, les armes à la main, à la libération de Montpellier. La dernière est Thérèse Nichterwitz, employée à la préfecture de l’Hérault, elle utilise son logement de fonction dans les locaux de la préfecture comme dépôt d’armes et comme refuge pour héberger les résistants poursuivis. Mais le travail de découverte des héros est un travail continu.

Quelle femme vous a particulièrement inspirée pour son combat ? 

P.M : Toutes les femmes, par leurs parcours, par leurs combats sont inspirantes. Je ne peux pas en choisir une. Même si j’admire les combats de Rosa Parks, Mère Thérèsa ou Esther Senot. Elles ont consacré leur vie aux autres et au bien public. 

J’ai également une pensée pour les femmes de ma famille, j’ai eu la chance de connaître mes arrière-grands-mères. Ce sont des femmes qui ont connu la guerre. Mon arrière-grand-mère a travaillé jusqu’à 75 ans et ma grand-mère paternelle était pupille de la Nation, elle a élevé seule mon père pendant plus de 4 ans, car son mari était à la guerre. 

Vous avez un parcours assez atypique en politique. Est-ce agaçant pour vous d’entendre certains rappeler que votre position est le fruit de leur action avant d’être celui de votre travail ?

P.M : Non, je ne suis pas agacée mais plutôt reconnaissante. Je suis très honorée d’être là où je suis, mais ce que j’ai, je l’ai eu par le mérite de mon travail : je n’ai pas le baccalauréat, j’ai fait l’école d’esthétique, j’ai eu des petits boulots pour payer mes factures. Je ne rêvais pas de faire de la politique. On m’a proposé et je l’ai fait. Il fallait combattre les extrêmes. Je ne regrette rien. 

Je souhaite donner un conseil à toutes les jeunes filles : Battez-vous. Personne n’a le droit de choisir à votre place, personne n’a le droit de vous dire que vous n’y arriverez pas. 

Attendez- vous de cet ouvrage qu’il inspire des femmes et des jeunes filles, qu’il incite à faire preuve de courage, à s’engager ?

P.M : Les femmes combattantes ont joué un rôle crucial tout au long de l’histoire. Nous devons continuer à inciter les femmes et les jeunes filles à poursuivre leurs rêves, à surmonter les défis et à s’affirmer dans toutes les sphères de la vie. Ces femmes combattantes ont ouvert la voie et ont montré à toutes les femmes qu’elles peuvent réaliser de grandes choses, qu’elles peuvent se battre pour leurs droits et surtout qu’elles peuvent surmonter les obstacles qui se dressent sur leur chemin. Leurs histoires sont des sources d’inspiration intemporelles qui doivent être racontées pour perdurer. Chaque femme peut feuilleter ce livret et s’identifier à l’une des biographies. 

Mais je tiens à rappeler que notre mémoire vit avec nous. Elle est partout. A portée de main et de regard, sur nos lieux publics et nos bâtiments. Je souhaite que ce recueil soit, pour nos élus locaux, un réservoir précieux dans lequel piocher quand vient le moment de nommer une rue, une école ou une place. 

En nommant des rues et des espaces publics, on agit directement contre l’invisibilisation des femmes. Ce n’est pas rien ; c’est un geste fondamental de reconnaissance publique et, hélas pour certaines de ces combattantes, de connaissances historiques. Nous le devons à ces femmes, à ces combattantes. En retour, je sais qu’elles inspireront notre jeunesse. Les filles, en leur rappelant que pour elles tout est possible et d’abord servir la Nation, et aux garçons pour leur rappeler que les filles peuvent tout faire.  

Un service national universel généralisé, notamment pour les femmes et comme souhaité par Emmanuel Macron. Est-ce une traduction concrète de cet engagement ?

P.M : A mon époque, les femmes ne pouvaient pas faire le service militaire. Ça a été un regret pour moi. A la création du SNU, je faisais partie de la task force avec Gabriel Attal (lorsqu’il était secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse). Nous avons insisté sur deux points : la mixité et l’inclusion. Pour vous donner un exemple, j’étais il y a 10 jours à Palavas-les-Flots pour la clôture du stage de cohésion. Il y avait une jeune fille en fauteuil roulant et tous les enfants étaient là pour elle. Ils se soutenaient mutuellement. C’est ça les valeurs du SNU : la citoyenneté, la solidarité, l’engagement et le respect. 

Aujourd’hui, le SNU donne la possibilité à chaque jeune, fille ou garçon sans distinction, de vivre pleinement ce moment de cohésion et de citoyenneté. C’est un investissement dans notre jeunesse, c’est important au regard des défis qui sont les nôtres.

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