Après l’attaque de sa synagogue samedi 24 août, La Grande-Motte (Hérault), placée sous haute sécurité, tente de soigner ses plaies et se recueille autour d’une communauté juive toujours très choquée.
Sur une petite pancarte bleue, près de l’édifice religieux, quelqu’un a écrit “Je suis juif. Je suis Paty. Je suis Charlie. Je suis Français… Tous ensemble. Tous unis”, en évocation à ce professeur décapité en 2020 en banlieue parisienne par un jeune Tchétchène radicalisé, ou à l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, au nom d’Al-Qaïda.
Rappel des faits
Samedi matin, peu avant 8 h 30, le principal suspect, un Algérien de 33 ans en situation régulière en France, arrêté dès samedi soir à Nîmes (Gard) après une cavale d’une quinzaine d’heures, avait mis le feu à sa propre voiture, qu’il avait garée dans le parking de la petite résidence située juste en face de la synagogue.
Keffieh rouge sur la tête, drapeau palestinien autour de la taille, d’où émergeait la crosse d’une arme de poing, selon les images des caméras de surveillance, l’homme, à visage découvert, avait ensuite escaladé l’enceinte de la synagogue et tenté de mettre le feu au bâtiment, en incendiant notamment deux autres véhicules.
Au passage, il avait ouvert une bonbonne de gaz d’un barbecue trouvé sur place, provoquant son explosion. L’homme avait agi moins d’une demi-heure avant l’office matinal du shabbat, où étaient attendus de nombreux fidèles.
Les stigmates encore visibles
Deux jours plus tard, lundi 26 août, alors que la station balnéaire, qui passe de 8 500 résidents en hiver à plus de 100 000 en été, a retrouvé son calme habituel, ce qu’il reste de son véhicule est tracté vers le lieu de sa démolition, les enquêteurs ayant eu le temps de prélever les indices nécessaires.
Quelques indices persistent çà et là autour de la synagogue, tels ces morceaux en métal du barbecue, projetés par l’explosion sur plusieurs dizaines de mètres et tombés sur la pelouse et sur le trottoir. Le policier municipal blessé par le souffle de l’explosion a pu quitter l’hôpital dès samedi.
Dispositif renforcé
Des passants, encore peu nombreux dans cette rue calme, s’arrêtent quelques instants. “Je trouve ça navrant. Quand on va dans une grande surface, on se dit: « Pourvu qu’il n’y ait pas une bombe, on devient parano”, confie Virginie Bourdin, secrétaire de 52 ans, sa fille sur le porte-bagages.
Deux voitures kaki portant une pancarte “Vigipirate” ralentissent devant le lieu de culte. Les militaires observent puis repartent. La synagogue est surveillée “électroniquement” et par des patrouilles, souligne Jean-Michel Weiss, le directeur de la police municipale.
Ce dispositif sécuritaire devait “être sérieusement renforcé” encore pour la cérémonie de recueillement prévue lundi en début de soirée, avec la “présence en nombre de militaires de la gendarmerie nationale, avec des unités spéciales, mais aussi des militaires de l’opération Sentinelle ou encore des membres de la police municipale”, confie-t-il.
En comptant les autorités – le préfet de l’Hérault, des élus locaux et des parlementaires –, ainsi que des membres de la communauté juive, dont le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, et le président du Consistoire central israélite de France, Elie Korchia, quelque 200 à 300 personnes étaient attendues.
« Cela nous touche profondément »
“Cela nous touche profondément. Les gens de confession juive, ils ne demandent rien à personne, ils n’exigent rien, il n’imposent rien, et ils sont sans arrêt menacés, et on ne sait pas pourquoi. C’est ridicule”, estime Isabelle Ragobert, coiffeuse dans un institut de beauté proche de la synagogue.
Secrétaire à la retraite, domiciliée à quelques centaines de mètres de là, Eusapie Pichierre pense que La Grande-Motte s’en remettra, grâce à “l’ouverture d’esprit” de ses habitants, bien que souvent âgés: “La religion, c’est intérieur. Quand on comprend son prochain, on essaie d’écouter, et si ça ne convient pas, on s’éloigne, on va voir autre chose. Mais on ne perturbe pas parce qu’il est juif ou catholique, on ne va pas faire des choses pareilles”, dit-elle.
À la création de La Grande-Motte, à la fin des années 1960, une partie des juifs pieds-noirs installés à Montpellier sont venus s’implanter dans la nouvelle station balnéaire, pour y monter notamment des commerces de bouche ou des bars et discothèques, a expliqué à l’AFP le maire de La Grande-Motte, Stephan Rossignol.
En été, ajoute-t-il, ils sont rejoints par des vacanciers de la communauté juive, qui choisissent cette destination notamment en raison de la présence d’une épicerie casher et d’un lieu de culte, qu’ils fréquentent notamment le samedi matin.
L’Écho du Languedoc avec AFP
Photo : Attaque de la synagogue à La Grande Motte © Pascal Guyot AFP.