L’emblématique pont habité, l’un des deux seuls de France, est en péril. La Ville , avec l’appui des services de l’État, veut déployer un vaste programme estimé entre 20 et 25 millions d’euros pour le racheter et faire les travaux nécessaires à sa conservation.
Il est l’un des deux seuls ponts habités de France avec celui de Landerneau, un marqueur de l’identité de la ville. Il est aussi une source d’ennuis colossaux depuis plusieurs années et le sujet principal d’une histoire aux multiples rebondissements l’ayant conduit au bord de l’effondrement.
Pour sauver l’emblématique pont des Marchands, le maire Bernard Malquier souhaite déclencher un vaste programme de rachat et de travaux pour un budget estimé entre 20 et 25 millions d’euros.
Chronique d’un effondrement avorté
Cet ouvrage, abritant locaux commerciaux, habitations et logements vacants détenus par des propriétaires privés, est, depuis de nombreuses années, ébranlé par des arrêtés de mise en péril et des alertes sur le bâti. Et ce « jusqu’au déclenchement par le tribunal de la nomination d’un collège d’experts qui a conclu la dangerosité et à la mise en danger d’autrui et sa fragilité », a indiqué le maire de Narbonne et président de l’Agglo lors d’une conférence de presse sur le sujet, mercredi 28 août.
Cette décision du tribunal administrative a conduit à la fermeture de la rue du pont des Marchands en mai 2023 et à l’élaboration d’un plan d’urgence avec la réalisation de travaux pour 1 million d’euros engagé par la Ville « pour consolider la surface du pont et permettre la réouverture du pont », précise le maire. Les logements et commerces des immeubles centraux, dans un état de délabrement avancé, demeurent, quant à eux, toujours interdits fermés.
« C’est un axe de chalandise indispensable à toute la ville »
« On s’est aperçu, durant cette période, que le pont des Marchands était plus qu’un pont mais également un drain, un axe de chalandise indispensable à toute la ville », a affirmé le maire. Ainsi, sa fermeture durant une longue période « a eu des conséquences commerciales jusqu’à dans la rue Droite, la rue de l’Ancien-Courrier, la rue de la Parerie en passant par la place des 4 Fontaines. Une situation dramatique pour l’ensemble des commerçants« , a souligné l’édile.
Ainsi, afin de « ne plus jamais revivre un épisode aussi traumatisant », Ville et Agglo ont élaboré un plan de sauvetage consistant en une réappropriation du pont par la puissance publique. Les deux collectivités vont prendre la main et coordonner la rénovation globale du bâti sur l’ensemble de la rue. « Pour cela, des décisions fortes, mais nécessaires, seront prises, pouvant aller jusqu’à l’expropriation dans certains cas », a souligné Bernard Malquier.
Les sept immeubles les plus fragiles rachetés par la mairie
Deux zones se dégagent dans ce plan de réhabilitation : les immeubles situés dans la partie centrale du pont – au-dessus de l’eau – et les autres. Sept immeubles présentant des désordres structurels majeurs sont au cœur de la zone qui nécessite une action prioritaire. « Ce château de cartes est au coeur du problème. »
« Nous avons fait le choix de prendre la propriété de cette partie centrale. Nous avons reçu ce [mercredi] matin, individuellement, les sept propriétaires des sept parcelles concernées. » Une proposition de grès à grès, à l’amiable, leur sera faîte pour l’acquisition de leurs parcelles selon une procédure codifiée et élaborée par France Domaine qui établira un prix. « Ils acceptent ou pas, ils sont libres », a-t-il précisé. Pour l’heure, seul un propriétaire sur les sept serait réticent. « Dans tous les cas, ce qui a été dit aux propriétaires en transparence, c’est que l’été prochain, le Grand Narbonne et la Ville de Narbonne seront propriétaires de ces sept parcelles », a annoncé Bernard Malquier.
Des travaux obligatoires pour les dix-neufs autres propriétaires
Cet après-midi du mercredi 28 août, Bertrand Malquier, Sylvie Alaux, adjointe municipale déléguée à l’urbanisme, et Rémi Récio, sous-préfet de Narbonne, ont également reçu les propriétaires des dix-neuf autres parcelles de la rue du Pont-des-Marchands qui ne présentent pas de dangers aussi importants que ceux situés dans la partie centrale, mais nécessitent toutefois des travaux plus ou moins lourds « devant être coordonnés de la même manière par la puissance publique ».
« Ils ont la possibilité de faire réaliser leurs travaux eux-mêmes selon un cahier des charges établi par le diagnostic que nous réalisons. On fait les études, on établi le coût individualisé par parcelle et on les accompagne sur le champ des possibles des subventions en matière de travaux avec des objectifs de réhabilitation des étages et pas seulement les locaux commerciaux », a précisé l’édile. Par contre, s’ils ne peuvent pas réaliser ces travaux, la collectivité fera l’acquisition de leurs biens. Deux des dix-neuf propriétaires concernés seraient déjà partants.
« C’est l’identité de Narbonne »
Cette démarche d’acquision-requalification est « indispensable », selon Bernard Malquier, car « l’enjeu dépasse l’intérêt privé de chaque propriétaire ». « Le pont des Marchands, ce n’est pas que cette carte postale , c’est ce drain qui inonde l’ensemble de la ville, c’est l’axe piéton, c’est le patrimoine et l’identité de Narbonne », estime-t-il.
Cette volonté de redonner au pont des Marchands « son lustre » a cependant un coût à la hauteur des ambitions qu’elle porte : entre 20 et 25 millions d’euros. Le maire se veut cependant rassurant à l’oreille des contribuables : « Nous allons pouvoir être éligible à des financements de l’ordre de 70 à 80 % » du montant global de l’opération, assure-t-il.
Au vu de l’ampleur de la tâche, le calendrier n’est, pour l’heure, pas fixé. Mais quoi qu’il en soit, dès septembre, les propriétaires seront contactés par France Domaine pour faire l’évaluation de leurs biens. Et à l’été 2025, la mairie « aura l’intégralité de la propriété foncière des lots » pour lancer les travaux en septembre 2025. Avec une contrainte imposée : ne plus fermer la rue.
Cyril Durand
Photo principale : pont des Marchands de Narbonne, 28 août 2024 © C. Durand.