C’est un portrait exceptionnel auquel nos lecteurs auront droit cette semaine. Valentin Grézanlé, 25 ans, revient d’un voyage particulièrement prolifique d’Athènes. Sportif de haut niveau de pentathlon moderne, le Narbonnais a récolté la bagatelle de trois médailles, dont celle de champion d’Europe de triathlé. Par cette victoire déjà exceptionnelle en Grèce, Valentin se positionne clairement pour pouvoir réaliser l’un de ses rêves : participer aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.
Valentin Grézanlé, pourriez-vous vous présenter brièvement ?
Donc je m’appelle Valentin Grézanlé, je suis sportif de haut niveau en pentathlon moderne et policier détaché en unité équestre. Je reviens tout juste de Grèce où je viens d’être titré champion d’Europe en triathlé. Le triathlé est une sous-catégorie du pentathlon moderne.
Le pentathlon moderne comprend l’escrime, la natation, l’équitation, le tir au pistolet et la course à pied, alors que le triathlé consiste « seulement » à courir, nager et tirer. Je suis actuellement basé à Canet-en-Roussillon et je m’entraîne également à Perpignan, au PMPC 66 (Pentathlon Moderne Perpignan la Catalane 66, ndlr).
Racontez-nous un peu votre parcours qui vous a mené jusqu’à ce titre européen…
Alors pour reprendre depuis le tout début, je suis donc né à Narbonne en 1997. Très tôt j’ai été un enfant hyperactif, j’ai commencé par l’escrime dès la maternelle. Ma mère est prof d’EPS et mon père également sportif m’ont transmis ce gène. J’ai notamment grimpé le Canigou dès l’âge de 9 ans, et arpenté un peu tous les coins, sentiers et balades à faire dans la région dans mon enfance.
J’ai joué quelques années au volley chez les Centurions étant plus jeune, mais mon gabarit (1m76) ne m’aurait pas permis d’aller au-delà. Vers mes 13 ans, j’ai rejoint le Cercle des nageurs narbonnais où j’ai rencontré Sébastien Deleigne, ancien double champion du monde de pentathlon, qui souhaitait monter une structure pour sa discipline. C’est donc comme ça que j’ai été initié.
A ce moment là, j’ai dû « réapprendre » à nager. J’ai repris presque depuis le début pour acquérir le savoir de base de la natation. Puis par la suite, j’ai dû assimilier les techniques de course pour être le plus performant possible dans l’eau. Je me suis rendu compte que la natation de compétition nécessitait beaucoup de travail.
« Je remporte les quatre circuits et termine champion de France »
Après le collège, j’ai tenté ma chance en sport-étude à Font-Romeu où je n’ai pas été pris. Je n’avais pas le niveau malgré le fait d’avoir été classé 8e national en catégorie Minimes de pentathlon moderne. Je m’entraîne alors avec Sébastien Delalande, avec qui je parviens dans la foulée à remporter un circuit national en Cadets. Il y en a quatre au total chaque année. Et je termine vice-champion de France, ce qui me permet d’intégrer finalement Font-Romeu. On est alors en 2013.
C’était une belle revanche. Ma terminale sera l’une de mes meilleures années, je remporte les quatre circuits nationaux et termine donc champion de France. Je me qualifie pour les championnats d’Europe où je finis 14e. Je continue donc en 1re année de STAPS sur Font-Romeu mais l’environnement ne me convient plus.
Cédric Maillard, qui travaillait au Pôle France d’Aix-en-Provence, m’avait déjà contacté il y a quelques temps pour m’intégrer là-bas. A l’époque c’était trop tôt, mais je désirais un autre cadre de travail, la montagne et la neige je n’en pouvais plus, après quelques années je me sentais comme étouffé. Donc on se recontacte et là, tout se fait très vite.
« J’arrive à l’Insep dans la Mecque du sport français »
Je rentre donc en catégorie Juniors (18 à 21 ans, ndlr), aux championnats d’Europe je me classe 8e en individuel, et on est vice-champions par équipe. Des résultats qui me permettent d’intégrer l’Insep, il fallait terminer dans les 12 premiers pour ça. Je monte à Paris et j’arrive donc à la Mecque du sport français…
C’est ma première année en Seniors et c’est alors très compliqué. Physiquement c’est très dur, on vit sport, on mange sport, on dort sport, c’est particulièrement éprouvant. On est en 2018, l’année suivante je passe le concours de police où j’intègre une unité équestre de la police de Paris. Au niveau professionnel j’ai le statut d’agent détaché, ce qui me permet de faire du sport tout en étant rémunéré.
En 2020, je me classe alors 4e Français de pentathlon moderne et je suis qualifié pour ma première coupe du monde Seniors en Bulgarie. J’ai 22 ans et je m’apprête à concourir pour l’une des compétitions les plus emblématiques. Enfin, c’est ce que je croyais…
« La Covid-19 débarque et le confinement est décrété… »
Le monde entier est confiné alors que j’étais motivé comme jamais. J’avais les crocs à l’idée de participer aux championnats du monde et là tout s’écroule… Psychologiquement, c’est terrible. On se voue corps et âme à l’idée de pouvoir prouver en compétition, et on ne peut plus s’exprimer.
J’ai quand même eu la chance de pouvoir être confiné au Brésil chez Romain Cannone, avec qui j’allais pouvoir continuer à m’entraîner. C’est incroyable car l’année suivante, Romain deviendra champion olympique d’escrime à Tokyo en 2021. Il y a aussi Arhur Philippe et Clément Dorigo qui sont confinés avec nous.
Dans quel état d’esprit êtes-vous à ce moment-là ? Comment vit-on un moment pareil en tant que sportif de haut niveau ?
C’est très difficile encore une fois. Après le premier confinement, je suis en troisième année à l’Insep. Je fais une petite dépression. Je sens que j’ai besoin de changement. Bien que toujours sur Paris, je décide de quitter l’Insep pour me créer mon propre cadre, mon propre écosystème avec mon entraîneur Romain Breuil. Cela dure un an, mais là encore, je me rends compte que la vie parisienne ne me convient plus.
Puis cet été, j’apprends alors que Paolo Singh, mon véritable « frère d’armes », un très bon ami que je connais depuis des années de compétition, a créé sa propre structure d’entraînement à Canet-en-Roussillon. C’est donc tout naturellement que je reviens dans le Sud, où je m’y sens réellement chez moi. C’est une vraie renaissance !
On s’approche de cette fameuse compétition de triathlé à Athènes…
Absolument ! Avec mon entraîneur Emmanuel Clergeau, je suis en train de complètement exploser en tir, je bénéficie d’un environnement incroyable où je me sens bien, toujours avec Romain Breuil. En l’espace d’un mois, je retrouve des sensations extraordinaires.
Puis je me rends donc à Athènes pour évaluer un peu où j’en suis, et là, et bien je remporte la médaille d’or en individuel, la médaille d’argent en équipe, et le bronze en relais mixte avec Victoria Michon. Je suis au top de ma forme.
Et ce qui est extraordinaire dans tout cela, c’est que le triathlé, qui est composé de la natation, de laser run et de course à pied, ne constituent pas du tout mes points forts habituels, tels que l’escrime par exemple, où je suis classé dans le top 100 français de la discipline. Cela me laisse une marge de progression intéressante pour la suite.
Et la suite justement, prochain objectif Paris 2024 ?
Ce serait un rêve. Aujourd’hui les compteurs sont remis à zéro, il y aura des phases de qualifications olympiques. Il n’y aura que deux élus masculins et deux féminins pour représenter le pentathlon moderne français aux J.-O. Il y a une densité de champions énormes mais les appelés représenteront vraiment la crème de la crème.
A la mi-décembre, il y a les championnats de France puis en février 2023 l’Open de France… Deux compétitions où il y a des points à prendre. Il faudra répondre présent, mais je n’ai jamais été dans de meilleures dispositions qu’aujourd’hui. 2024 c’est à la fois proche et loin, j’aurai 27/28 ans, je serai dans la fleur de l’âge.
A quoi ressemble une journée où une semaine d’entraînement d’un pentathlète de haut niveau ?
Actuellement, j’en suis à 30/35h de sport par semaine. Il faut que je cale cinq séances de course, cinq de natation, trois d’escrime, trois de tir, deux séances de musculation et une séance d’équitation par semaine, six jours sur sept.
Quand j’étais au collège à Narbonne à Victor-Hugo, je me levais à 5h30 tous les jours pour aller courir une heure avant les cours, puis après les cours j’avais deux heures de natation, et ça presque tous les jours. C’est un mode de vie que j’ai depuis très jeune.
Avec près de 35h de sport par semaine, parvenez-vous à en vivre financièrement en parallèle ?
Alors c’est simple, hormis mon métier de policier détaché, je ne gagne pas d’argent. J’ai quelques sponsors comme le Département de l’Aude et la Région Occitanie qui m’aident un peu. La Banque Populaire du Sud et l’agence de com’ Vent Marin me parrainent également. Mais c’est vrai que c’est difficile.
C’est pourquoi je remercie toutes ces personnes, ma famille, mes proches, mes entraîneurs, le PMPC 66… La Police Nationale en particulier qui me permet de vivre et de m’entraîner. Mes parents, à qui j’emprunte sans arrêt la voiture car je n’en ai pas. Je suis également en recherche de sponsors, que ce soit un équipementier ou même un crédit pour une voiture.
C’est sûr que le pentathlon moderne ce n’est pas le sport le plus rentable économiquement (rires) ! Chaque petite contribution est un souci en moins pour me focaliser sur la préparation. Mais c’est une passion avant tout et je continuerai quoiqu’il arrive. Je veux vivre mon rêve à fond et aller aux Jeux Olympiques pour représenter aussi bien mon pays, que ma région et ma ville.