Responsable zoologiste adjointe et registraire au sein de la Réserve africaine de Sigean, Marianne de Jésus nous a ouvert les portes du célèbre parc animalier. L’occasion d’en découvrir davantage sur elle et ses fonctions, dans un cadre de travail si particulier. Et l’opportunité d’en apprendre plus sur l’organisation de la Réserve africaine de Sigean et ses (nombreux) pensionnaires.
Marianne de Jésus, quel est votre rôle au sein de la Réserve ?
D’un point de vue technique, mon poste est celui de responsable zoologiste adjointe et registraire au sein du parc. Mon rôle est de superviser un peu tout ce qui se passe sur la Réserve. Il y a beaucoup de paperasse administrative à gérer notamment, mais pas uniquement.
L’aspect « registraire » est particulièrement important car il faut enregistrer les entrées et sorties des animaux de la Réserve africaine, les naissances, les décès, et gérer les échanges avec les autres parcs agréés. Il y a beaucoup de travail et de responsabilité, mais c’est vraiment passionnant.
Depuis combien de temps travaillez-vous à la Réserve ? Pouvez-vous retracer votre parcours ?
Je suis arrivée en 1999, vingt-trois ans déjà ! Je suis originaire de Chateaudun en Eure-et-Loir. J’ai tout d’abord étudié à Tours puis la biologie sur Paris. J’ai obtenu mon diplôme d’éthologie appliquée et chronobiologie du comportement. C’est au cours de mon cursus que j’ai pu obtenir un stage de quatre mois à la Réserve africaine de Sigean.
Pourquoi si loin de chez moi ? Tout simplement parce que j’avais gardé contact avec un ancien camarade étudiant de trois ans mon aîné, qui lui avait trouvé du travail à Sigean, au sein du parc. Je défendais une thèse sur les comportements liés à la reproduction chez le rhinocéros. Il me fallait donc trouver un parc animalier qui en « possède ». Et cela a pu donc se faire.
J’y ai passé quatre mois particulièrement intenses. J’en ai des souvenirs incroyables. Je soutenais notamment la théorie comme quoi plus on laissait les couples de rhino entre eux, en leur laissant du temps, et plus cela favoriserait la reproduction. Je passais des nuits entières à observer de loin leurs comportements et à suivre leurs évolutions. Sans me montrer bien sûr.
En l’espace de quatre mois, je cherchais à assimiler le plus possible. Afin de faire de cette expérience la plus enrichissante possible. Je travaillais surtout au service des petits primates, avec les gibbons, ouistitis et capucins. J’y ai appris énormément auprès de vrais professionnels.
Et du coup vous n’avez plus quitté Sigean !
Exactement ! A la toute fin de mon stage, en quelques jours je passais la soutenance de ma thèse et je partais en colloque à Bâle en Suisse, organisé par l’EAZA (association européenne des zoos et aquariums, ndlr) avec les représentants de la Réserve. La semaine la plus intense de ma vie niveau stress, entre le passage à l’oral pour le diplôme et ce colloque.
On m’avait un peu mis la pression en me disant que si le colloque se passait bien, il y aurait peut-être une suite à donner. C’était le 15 septembre, et le 1er octobre je commençais donc en temps que soigneur petits primates avec un CDD d’un an à temps plein. Tout s’est goupillé très vite. Et je suis toujours là depuis, même si j’ai évolué professionnellement.
En quoi consistait votre quotidien ?
Début de journée à 8h30, toujours en binôme on prépare les fruits et légumes que l’on va distribuer. En fonction des notes prises la veille, on s’adapte à chacun. On prépare les rations pour une cinquantaine de spécimens, puis en relation avec les vétérinaires, on soigne les petits bobos lorsqu’il y en a, on nettoie les enclos, on bricole et on observe beaucoup.
Il faut rappeler qu’à la Réserve africaine, l’objectif est de conserver le plus possible l’habitat naturel des animaux. Nous ne sommes pas là pour les dresser ou les habituer à notre présence. On doit se faire discret et interférer le moins possible avec eux, dans leur intérêt.
Après, c’est une question de connaissances et d’habitudes avec nos animaux. Être capable de repérer quand quelque chose ne va pas chez l’un d’eux, que ce soit physiquement ou un changement dans leur comportement. L’arrivée d’un nouvel individu est susceptible de remodeler les rapports de domination, notamment entre mâles et femelles.
Quels sont les animaux qui représentent le plus de risques lorsque vous interagissez avec eux ?
On ne pense pas forcément à eux en priorité, mais les chimpanzés sont des animaux avec qui on prend des précautions particulières. Non pas qu’ils soient plus agressifs que d’autres, mais certains peuvent atteindre les 60 kilos, ils ont une force prodigieuse et il faut évidemment prendre ça en compte lorsqu’on vient les nourrir.
Sans faire exprès, un mauvais coup peut vite arriver. Un moment d’inattention peut avoir ses conséquences. Surtout, encore une fois, on ne cherche pas à acclimater les animaux à l’Homme. On leur apprend à mettre la main dans un manchon, mais uniquement pour faciliter les prises de sang ou les traitements médicaux.
Ils ont droit à une petite friandise lorsqu’ils jouent le jeu. Il peut aussi être compliqué d’isoler un individu qui ne va pas bien, en particulier lorsqu’ils sont nombreux par enclos. Il faut y aller délicatement, patiemment, pour ne pas perturber tous les autres. C’est un juste équilibre à trouver.
Combien d’animaux au total se trouvent à la Réserve africaine ?
Alors… Je vous avoue que c’est difficile à dire précisément. Notamment pour les populations d’oiseaux. On compte environ 3 000 animaux. Un quart constitué de mammifères, un autre quart de reptiles et une moitié d’oiseaux.
Il y a évidemment les « ambassadeurs » de la Réserve tels que les lions, les girafes, les ours, les rhinocéros… Il y en a de moins connus mais tout aussi impressionnants comme les lycaons (photo DR ci-dessous). Ils ressemblent à de grandes hyènes, très puissantes et très joueuses. Les guépards sont également beaucoup appréciés du public.
Le public justement parlons-en, combien de visiteurs par an compte le parc ?
On tourne en moyenne depuis quelques années à environ 300 000 par an. Parfois un peu plus, parfois un peu moins. Une clientèle française mais aussi espagnole très prononcée. L’été notamment, on passe des journées très agitées. C’est gratifiant de susciter autant d’intérêt. On fixe aujourd’hui une jauge limite à 4 000 personnes par jour.
Par le passé, on atteignait des pics à 7 500 par jour. Mais ce n’était agréable pour personne. Un afflux trop massif, avec des véhicules qui se collent lors du parcours en voiture, des gens qui s’énervent parce qu’ils sont trop serrés… Avec les réservations internet, aujourd’hui on peut s’organiser différemment dans l’intérêt de tous.
La Réserve africaine a été touchée par deux cas de grippe aviaire entraînant trois semaines de fermeture complètes, comment ce moment a-t-il été vécu de l’intérieur ?
En effet. Trois longues semaines délicates qu’il a fallu gérer. Deux cas de grippe aviaire qui ont concerné deux pélicans. Il est important de préciser qu’ils ne l’ont pas contactée sur le parc. Mais on a dû appliquer la réglementation en vigueur dans ce cas de figure. Fermeture totale pendant trois semaines après détection du dernier cas.
C’était délicat, car le parc fonctionnait à perte. Il fallait continuer à payer les employés qui continuaient à s’occuper des animaux. La Réserve emploie près de 120 personnes en totalité. On n’allait abandonner évidemment personne pendant ce laps de temps.
D’un autre côté, il valait mieux que ce genre de mésaventure arrive en octobre/novembre, qu’au printemps ou en été par exemple. Mais c’est du passé, nous sommes aujourd’hui heureux de retrouver notre clientèle, en particulier à l’approche des fêtes de fin d’année !