« L’histoire des Corbières est passionnnante »

access_time Publié le 21/10/2024.

Jacques Madrenes, retraité de l’Éducation antional, promène sa caméra dans ses Corbières natales et filme leurs paysages, leurs habitants, tout en évoquant leur riche patrimoine historique et culturel. Pour le plus grand plaisir de ses concitoyens qui ne manquent jamais une projection sur leur village.

Vous êtes retraité. Quelle profession exerciez-vous ? 

J’étais enseignant spécialisé en technologies nouvelles et pour les élèves en difficulté scolaire ou en situation de handicap. J’ai d’abord exercé en tant que professeur des écoles à Carcassonne ensuite comme conseiller pédagogique dans le département de l’Aude.

Comment vous est venue l’idée de faire des films ? 

Passionné de technologies nouvelles, j’ai commencé à survoler la rivière de Ribaute avec un premier drone en 2014. Ensuite, en 2015, nous avons entrepris, avec mon frère, de filmer et photographier tous les villages autour de la vallée de l’Orbieu et en 2016 nous avons décidé d’interroger les gens et de réaliser des films complets pour chaque village. Nous avons commencé à Ribaute puis Lagrasse, un des plus beau village de France. Depuis nous avons filmé une vingtaine de villages. Je réalise les films, mon frère les vérifie et me propose des corrections.

Aviez-vous une expérience en la matière ? 

Je réalisais des petits films dans le cadre professionnel, pour mes animations pédagogiques telles des séances d’apprentissage de la lecture. L’arrivée du numérique a facilité l’accès à cette pratique. Je participais aux formations des enseignants à l’IUFM ou dans les ateliers pédagogiques du premier degré.

Y a-t-il chez vous un profond attachement aux Corbières ? 

Les Corbières sont au coeur de mes préoccupations. J’ai travaillé dès l’âge de 12 ans jusqu’à 18 ans dans les vignes et sur de nombreux chantiers. À l’époque on finançait les frais de scolarité en travaillant pendant les vacances scolaires. J’ai côtoyé longuement les vignerons, les habitants des villages et des fermes, les Corbières sont mes racines. La nature y est préservée. Elles ont des particularités locales dont on peut-être fiers. Le massif des Corbières constitue un géodromme exceptionnel pour l’apprentissage de la géologie et l’histoire des Corbières est tout aussi passionnante.

Les Corbières, un patrimoine remarquable @ Collection Jaques Madrenes.

Réaliser un film sur Fabrezan est un projet qui vous tenait à cœur ?

Fabrezan est le village où je suis né, j’ai passé mon enfance à Ribaute et j’y suis revenu à mon adolescence. Alors forcément, les copines et copains de l’époque, les vignerons avec qui j’ai travaillé, les amis du club de Handball avec qui j’ai joué, la cave coopérative, la famille enterrée au cimetière, les petites rues, les anciennes épiceries, chacun et chaque recoin du village rappellent des années heureuses. Cela fait trois ans maintenant que je filme les nombreuses manifestions que ce village organise avec un nombre important d’associations très impliquées dans la vie collective. Si je me sens citoyen des Corbières, je le suis doublement à Fabrezan. 

Est-ce un village particulier ?

Les grands problèmes d’aujourd’hui s’y concentrent : la vie de la cave coopérative dans le contexte que l’on connaît, le respect et la citoyenneté, la place de la culture, les problèmes environnementaux avec la rivière Orbieu qui borde le village et pose des problèmes de trop d’eau ou de pas assez d’eau, l’entretien du patrimoine historique et religieux, la question des énergies renouvelables, l’approvisionnement en eau. Donc, ce village, cité comme la porte des Corbières avec 1350 habitants, est bien plus complexe à traiter que les petits villages qui en comptent 50 à 100. Alors qu’il n’y avait qu’un vigneron à Termes, il y a 150 viticulteurs à Fabrezan. 

« Les habitants étrangers sont les plus intéressés »

Quels sont les thèmes que vous abordez dans vos films ? 

Je traite globalement de la géologie, de l’histoire (du paléolithique à aujourd’hui), de la vie sociale, culturelle ou économique. Mais comme chaque village est différent, donc je développe ces sujets plus ou moins en fonction des réalités locales. Je réalise en général deux DVD par village que nos projetons au cours d’une soirée ou deux. Il y en aura trois à Fabrezan. L’histoire du village de Lagrasse par exemple est un grand sujet avec son abbaye et son moulin qui datent de l’administration de Charlemagne, son coeur de village médiéval et une affluence touristique conséquente. Ce village n’a jamais arrêté la culture de l’olivier qui est également un sujet intéressant ainsi que la production de vinaigres

Les habitants sont-ils réceptifs ? 

Oui, à la fin de la projection du dernier film du village de Bouisse, une dame Anglaise est venue me dire : « Je ne sais pas pourquoi, mais je pleure ! » À Bouisse on a aussi beaucoup ri avec les chasseurs. À Mouthoumet, j’ai reçu un très beau compliment, un participant s’est levé et a dit : « Si Arte faisait ça, on dirait qu’ils sont forts à Arte. » C’était aussi un beau final. En fait, les habitants étrangers sont les plus intéressés car ils découvrent enfin la région où ils se sont installés. 

Y aurait-il un sentiment d’appartenance ?
En général, les gens des villages sont très concentrés pendant la projection. Et ils ne trouvent jamais le temps long. Les gens des villages voisins ne viennent pas souvent assister à la projection. Bien que rapprochés, aucun village ne ressemble à l’autre, il y a un effet structure.

Fabrezan, le village natal objet de toutes les attentions @ mairie de Fabrezan. 

Vous offrez même des DVD à l’issue des projections. C’est plus que du bénévolat ! 

Un DVD vierge coûte 20 centimes mais le contenu c’est deux à trois ans de déplacements, de recherches et de travail. Je me compare aux chasseurs ou aux pêcheurs qui investissent des sommes conséquentes pour vivre leur passion. Peu importe ! Mon frère réalise les jaquettes et la gravure, c’est à lui qu’on le doit !

La meilleur façon de bien vieillir à la retraite, c’est d’avoir une vie sociale et de rencontrer des gens… Alors il ne faut pas compter ! 

Vous faites aussi des conférences. Sur quels sujets ? 

Je dirai plutôt des animations, en fait depuis dix ans, j’ai acquis des points de vue transversaux sur ces villages : je pourrais parler de géologie, des châteaux… Donc récemment, j’ai traité la question des églises des Corbières en comparaison avec un colloque organisé à partir de l’incendie de Notre Dame de Paris. Le patrimoine national en feu a provoqué une grande émotion dans le pays, je me suis interrogé, localement, sur ce que représentent les églises pour les citoyens. J’anime également des réunions avec l’association des jardiniers de l’Aude sur le thème de la conservation de l’humidité et l’enrichissement des sols.

Propos recueillis par notre correspondant local


Evolution sensible
Au gré des films et des rencontres, Jacques Madrenes a établi un constat : « La population a beaucoup évolué. Elle est passé de 20000 habitants environ dans les années 70 essentiellement autochtone à 6000 environ aujourd’hui avec de nombreux nouveaux arrivants qui apportent leur culture d’origine et de nombreux savoir-faire, ce qui, sur le plan anthropologique n’est pas neutre. Les manifestations culturelles sont de plus en plus nombreuses et variées. À Villerouge-Termenès un orchestre éphémère est créé tous les deux ans et pendant quinze jours, prépare un concert composé par des artistes venus des pays du pourtour méditerranéen. Les adaptations sonores proposées sont remarquables. »

Photo principale : Jacques Madrenes, une passion pour sa terre natale © DR.

© DR
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