Beaucoup de verdure, quelques maisons et une grande quiétude. Seule une plaque sur un mur mangé par la végétation est là pour rappeler que Lescale, hameau situé à quelques kilomètres de Puivert, a subi la vengeance des troupes allemandes. Il y a 80 ans à quelques jours près.
A elle seule, elle mérite cette longue traversée. Ces arbres en rangs serrés, ces sous-bois presque impénétrables. Sur la route, on ralentit pour profiter de cette parenthèse. Elle, c’est la forêt de Picaussel. Tout juste sait-on où elle nous mène et qu’elle va déboucher soudain sur un petit hameau, havre de quiétude. Picaussel, Lescale, tout respire le calme. Jusqu’à ce que le regard soit attiré par une plaque. Simple mais inattendue pour celui qui n’est pas du coin. Elle nous ramène soudain quatre-vingts ans en arrière…
Nous sommes le 6 août 1944 et la Haute-Vallée de l’Aude, que l’on pourrait imaginer si paisible et loin de tout, voit un frisson parcourir l’échine de ses habitants. Un détachement du régiment de panzer grenadier roule jusqu’à Puivert et son célèbre château. Il est commandé par deux hommes : le lieutenant Bernahrd Brandt et le caporal chef Franz Biskup, arrive à Puivert. A leurs côtés, est présent un certain Jean Terrier, ’interprète et agent de la Gestapo à Pexiora. L’arrivée du convoi ne passe pas inaperçu d’autant que la population n’est pas sans savoir ce qui se trame dans les bois touffus de la forêt de Picaussel à quelques kilomètres d’ici.
Des maquisards dans leur élément
D’ailleurs, le même jour, en fin d’après-midi, quatre jeunes maquisards de Picaussel sont piégés dans une embuscade tendue par les Allemands. Jean Carbou et de Joseph Lebret, tous deux habitants du hameau de Lescale, sont tués dans la fusillade. Cette escarmouche n’est, en fait, que le début d’une opération d’envergure. En effet, dans le même temps, les maquisards cachés dans l’immense forêt de Picaussel, reçoivent un important parachutage de mitrailleuses.
Tout est en place pour la confrontation. Elle ne tarde pas car, dès le lendemain, les unités allemandes donnent l’assaut du camp où sont cachés les maquisards. Le combat dure plus de quatre heures, mais la forêt de Picaussel n’a pas de secret pour les Français qui en connaissent chaque recoin. L’opération est un échec pour les Allemands qui, sur le coup des 14h, jettent l’éponge et se replient en laissant derrière eux dix-huit morts et une soixantaine de blessés. Pour le maquis, la victoire est totale. Du moins le pense-t-il.
Une sourde vengeance
Las, les Allemands n’ont qu’une idée en tête : se venger de n’importe quelle manière et ils jettent leur dévolu sur le paisible hameau de Lescale qui jouxte la forêt. Ils décident d’occuper les lieux et de se livrer à un pillage en règle. Rien ne leur échappe : meubles, argenterie, céréales, bétail. Tout est transféré Pexiora. Mais les habitants désemparés n’ont encore rien vu. Le 9 août, sur ordre du lieutenant Brandt, les Allemands décident de raser le hameau et l’incendiant. Fort heureusement, au moment de leur arrivée sur les lieux, tous les habitants avaient eu le bon réflexe de fuir. A leur retour, ils ne trouveront qu’un champ de ruines d’où seules émergeront à peu près l’école et l’église.
Comme à Oradour-sur-Glane, des baraquements en bois seront construits pour loger les sinistrés. C’est dans une réplique de cet abris qu’a vu le jour un petit musée retraçant l’histoire de Lescale et de cette tragédie. Devant l’entrée, un drapeau tricolore et quelques gerbes sont là pour rappeler qu’il y a quatre-vingts ans, le soleil ne brillait pas pour tout le monde dans ce si joli coin de la Haute-Vallée…
Notre correspondant local
Sources : P.V de la gendarmerie de la brigade de Chalabre n°318 et 742 du 9 septembre 1944. Rapport de la Police judiciaire du 12 novembre 1947 n° 22786. Archives United Nations Wear Crimes Commission. « Rapport Cassan », sous-préfet de Limoux.
Photos © Paul Simorre.