Quitter la Côte d’Azur et la grande distribution pour une toute nouvelle vie au cœur de la Montagne Noire : c’est le pari fou que se sont lancées Tatiana Tchakmevelow et Agnès Sanchez. Avec, en point d’orgue, la création d’une savonnerie. Elles nous content cette drôle d’expérience.
Vous avez atterri dans la Montagne Noire, mais d’où venez-vous ?
Tout d’abord, nous sommes natives du grand sud : le Var et la Côte d’Azur, entre soleil et plage, entre mer et montagne. Durant ces années, nous avons pu profiter de tous les bienfaits que peuvent vous apporter une région touristique et nous sommes ravies d’avoir pu y grandir.
Vous êtes issues de la grande distribution.
C’est une très bonne école pour des novices comme nous, sans bagage scolaire. L’alimentaire nous a donné notre chance et nous a fait confiance, nous avons fait nos armes petit à petit pour gravir les échelons.
Ce fut une formidable expérience, mais la grande distribution alimentaire, c’est aussi des ouvertures les dimanches et les jours fériés, des fermetures de magasin à 22h. Nous n’étions plus en accord avec les grands changements de l’alimentaire. Nous savions surtout ce que nous ne voulions plus et c’était donc le moment de changer.
Comment se retrouve-t-on à Caudebronde ?
Nous avons tout vendu, maison, meuble, moto. Et nous sommes parties rejoindre la maman de Tatiana qui habitait déjà en Occitanie que nous connaissions puisque, chaque année durant nos vacances d’été, nous nous exilions au frais autour de Carcassonne. C’est donc tout naturellement que nous avons eu un coup de cœur pour la Montagne Noire.
Nous avions besoin de nous ressourcer, de nous isoler un peu et de faire le point sur notre projet. Nous avons eu le courage de quitter nos emplois et nous nous sommes mises à la recherche de notre petit coin de paradis, notre choix s’est porté sur Caudebronde, un village de 160 habitants, un maire a l’écoute de ses administrés mais surtout une maison, qui nous ressemblait en tous points et pour laquelle nous avons eu un coup de cœur.
« Contribuer à la transition écologique »
La Montagne Noire, c’est aussi un état d’esprit…
On peut parler de révélation : plusieurs petits villages, qui réunissent principalement une population hétéroclite, où l’entraide est le fil conducteur de ce choix de vie. Le contexte était particulier puisque nous avons ouvert en plein Covid mais nous n’avions pas le choix , le projet était lancé.
Cette première année a été formidable, les habitants de la Montagne Noire ont tous répondu présent pour nous aider. Nous remercions tous ceux qui nous ont fait confiance, ceux qui sont venus vers nous et tous simplement ceux qui nous ont acheté nos savons et qui par ce petit geste ont contribué a faire grandir l’entreprise.
Pourquoi le savon artisanal était-il au centre de votre projet ?
Nous avons toujours été intéressées par l’entrepreneuriat mais aussi nous souhaitions contribuer à notre niveau à la transition écologique que nous vivons actuellement : apprendre à mieux consommer, à moins gaspiller. En clair : moins de pétrochimie, plus de naturel.
Personnellement, j’ai toujours été attirée par les savonnettes Jeune, j’aidais parfois ma mère, qui était bénévole dans le solidaire, à habiller des savons destinés à mettre dans les armoires. Toucher le savon, le sentir… J’ai toujours préféré le savon au gel douche.
Aviez-vous une idée précise en tête ?
C’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers la saponification à froid. Je souhaitais devenir un « consom-acteur », m’affranchir de toutes ces obligations d’achats , de toutes ces pulsions qui finalement sont des contraintes et tout ce marketing qui cherche à nous faire consommer plus.
Le savon était pour moi le produit essentiel à chaque famille, mais je voulais un produit sain et naturel, sans huile de palme, non testé sur les animaux et sans tous ces produits chimiques que nous retrouvons dans les savons de la grande distribution qui sont pour moi, une aberration de par la lecture de leurs ingrédients.
« Deux années de tests, de doutes, de ratages »
On ne se lance pas comme ça par magie dans le savon !
Bien sûr et j’ai donc commencé a me former sur la saponification ce qui n’était pas une mince affaire avec nos niveaux scolaires (5e et Bac). Nous avons épluché des dizaines de livres pour comprendre les process et l’alchimie. Jusqu’au jour ou nous nous sommes lancées. Nous avons choisi un panel de testeurs (famille et amis) afin de répondre au plus juste aux attentes du consommateur.
Après deux années de tests, de doutes, de ratages et de réussites, ils nous ont enfin donné leur feu vert et nous voilà lancées dans la grande aventure de l’entrepreneuriat cosmétique avec toutes ses normes et obligations.
D’où viennent les huiles végétales que vous utilisez ?
Elles ne sont pas locales et ne viennent pas toutes de France. En effet, il y a certaines matières que nous ne produisons pas en France pour toutes sortes de raisons, telles que l’environnement et la météo. Nous les choisissons biologiques, équitables et elles sont toutes issues de l’agriculture biologique et d’une culture raisonnée.
Lorsque nous le pouvons, bien sûr, nous nous fournissons en France pour, par exemple, l’huile de pépins de raisin, le chanvre, le tournesol et la cire d’abeille. Nos argiles et nos plantes viennent quant à elles de France.
Vous avez, semble-t-il, une gamme importante.
Nous avons une gamme de 10 savons, ils nous ressemblent : c’est à dire qu’ ils sont simples et de qualités, ils sont tous bons et pour toutes les peaux. C’est pour cela que notre projet a pris tant de temps car nous souhaitions créer une véritable gamme, qui va de la création de la recette a la création de la marque et du packaging.
Travaillez-vous avec le local ?
Autour de la Montagne Noire, nous avons beaucoup de gites, de chambre d’hôtes et nous aimerions travailler avec eux afin qu’ils puissent véritablement offrir a leur clients une évasion qui va jusque dans leur salle de bain. Aujourd’hui, nous élargissons nos références en proposant des savons d’invités de 20 g dans la même gamme.
Il ne faut pas que les professionnels hésitent à nous demander un devis. Nous serions ravies de vous faire parvenir quelques échantillons.
La collaboration avec un toxicologue est-elle essentielle ?
Oui elle est essentielle à la sécurité de notre clientèle et à notre entreprise. Le savon est un mélange de soude caustique et d’huiles végétales. Si votre recette est mal faite, elle peut avoir des effets irréversibles sur votre peau c’est pour cela que tous nos savons sont testés en PH à chaque fin de cure. Certes, faire appel a un toxicologue a un coût, bien évidement, mais il est important pour nous de proposer des produits de qualités et évalués par un toxicologue.
« On ne fait pas du savon dans sa cuisine ! »
Parce que le savon, c’est très sérieux ! Certains pensent que faire du savon est finalement facile, mais on ne fait pas du savon dans sa cuisine ! La création d’un laboratoire répondant à toutes les normes sur les cosmétiques est indispensable et c’est aussi et surtout une sécurité pour le consommateur. Le savon peut vous brûler et laisser des traces à vie sur votre épiderme, autant qu’une brûlure à la soude.
Pourquoi vos savons peuvent-ils remplacer avantageusement un gel douche ?
Dans un premier temps, Ils sont plus économiques que le gel douche. Ils sont également plus écologiques, puisqu’ils évitent le plastique dans votre salle de bain ou dans votre cuisine. Ils ne polluent pas l’eau après leur utilisation. Le savon artisanal est beaucoup plus facile à rincer sur la peau et ne laisse donc pas de résidus. Les pores de la peau ne sont pas obstrués. Les huiles utilisées sont de qualité et prennent donc soin de votre peau grâce à leur surgras.
Pourquoi vos savons s’appellent-ils Aucayou ?
Un jour, on nous a offert un couple d’oie et ce fut une vrai rencontre et une vraie interaction avec elles. Nous avons aussi voulu les inclure dans notre projet de près ou de loin. En occitan, l’oie se dit Auca. On voulait également créer une marque et aujourd’hui, les savons Aucayou sont connus dans l’Aude et ses environs, il font pleinement partie du paysage de la Montagne Noire.
Avez-vous un rêve de développement ?
Aujourd’hui, Agnès continue de travailler mais aimerait se consacrer totalement a la savonnerie. Cela serait déjà un grand pas dans notre entreprise de pouvoir dégager un salaire. Comme on le dit souvent, en savonnerie on ne fait pas fortune, c’est souvent la passion du produit qui anime les artisans. Le savoir-faire artisanal français est reconnu dans le monde entier.
Il est vrai que nous aimerions avant tout développer nos savons d’invités et pouvoir contribuer, à notre échelle, à l’accueil du tourisme en s’inscrivant dans les hôtels, les gites, les chambres d’hôtes. Si nous pouvions participer au développement touristique de la Montagne Noire en ayant un local, sorte de magasin-atelier, nous serions les plus heureuses.