Joueur de Top 14 et Pro D2, le Coursannais Pierre-Olivier Julien a juste changé de vestiaire en 2012.

access_time Publié le 01/02/2021.

Une vie de rugby.

Joueur de Top 14 et Pro D2, le Coursannais Pierre-Olivier Julien a juste changé de vestiaire en 2012.
Il a gardé les crampons pour épouser une carrière d’arbitre.
Il nous raconte.

Quel regard jettes-tu sur ta carrière de joueur ?
J’ai eu une carrière «éclair» on va dire. Ayant commencé le rugby à 17 ans en Crabos au RCN à Narbonne, le rugby a été comme une révélation pour moi.
Notre génération était talentueuse: Yannick Forestier, Pierre-Manuel Garcia, Laurent Balluc-Rittener, Franck Montanella, Alexandre Gomez et beaucoup d’autres avons fait de belles années de joueurs pros et pour certains jusqu’à l’équipe de France. Nous étions encadrés par d’excellents techniciens dont Michel Vidal. Pour apprendre le rugby, avec le recul, il n’ y avait peut-être pas mieux en France.
Avec l’arrivée de notre génération en seniors, ça été l’éclatement.
Avant de partir chez le frère ennemi biterrois, j’ai eu la chance de participer à l’élite du rugby Français, et même Européen avec la Challenge Cup.
Je suis arrivé à Béziers en 2005, pour y passer ma carrière senior. J’y ai vécu deux demi-finales de montée en Top 14, et malheureusement la relégation en Fédérale 1. Le titre de Fédérale 1 en 2011, ça a été splendide.
Après une demie-finale de montée mythique à Saint-Vincent de Tyrosse, qui se joue sur une pénalité retournée à la 80ème, la semaine suivante nous étions champion contre Périgueux à Montauban. Je rêvais de gagner un titre en snior avant d’arrêter, c’était fait.

Et le moment d’arrêter est venu…
En 2012, ayant préparé sérieusement ma reconversion et commençant à sentir une usure du temps, j’ai raccroché les crampons, et j’ai alors changé de maillot.

«Un départ de Narbonne en toute quiétude»

Narbonne, c’est un peu l’histoire inachevée ?
Oui et non, bien sûr. J’avais 23 ans, je devais passer pro. La direction de l’époque avait toujours été très honnête. Ca aurait été difficile d’avoir du temps de jeu en Top 14.
La Pro D2 était clairement mieux adaptée pour moi. Et puis à cette époque là, Béziers avait le projet de remonter. Mon départ s’est fait en toute logique et quiétude. J’ai passé de très belles années au Racing. Jouer dans l’équipe première de son club formateur, il n’y a pas plus honorant, quel que soit le sport.

De bons souvenirs du Top 14 ?
J’ai un souvenir magique qui date d’avril 2005 : Narbonne – Toulouse avec un Parc des Sports plein comme un œuf. Toulouse jouait la finale d’H Cup quinze jours plus tard et Guy Novès voulait étalonner ses joueurs sur ce match. Nous avions une réputation d’équipe joueuse, ça tombait bien pour eux. A chaque ligne, il y avait des internationaux de classe mondiale.
Je ne devais pas jouer ce match, j’étais vingt-troisième, le pendu. Mais arrivé à la collation d’avant match au domaine de Jonquières, Jeff Beltran m’annonce que Julien Candelon est blessé et que je suis remplaçant. A la 43eme minute, je rentre sur la blessure de Pierre-Emmanuel Garcia, et je profite d’une mi-temps face à mes idoles. Vincent Clerc, Cédric Heymans, Florian Fritz, Yannick Jauzion, Gareth Thomas. Magique !

La semaine suivante, on va au Stade Français, qui jouait d’ailleurs la Finale de H Cup contre Toulouse quelques jours plus tard. Même une «petite» réception d’après match, avec Max Guazzini c’était quelque chose.
Il y avait un ministre, des grands chefs d’entreprises connus, des Top Models… Pour un gamin de Coursan, ça en jetait !

«La concentration est essentielle»

Est-il facile de partir chez le rival biterrois ?
Quand je suis arrivé en 2005, pendant quelques mois on m’appelait le Narbonnais. Mais je me suis vite identifié aux valeurs du club qui sont très axées sur le combat. J’aimais ça, et le public m’a accepté rapidement comme un des siens. De plus, le nom de famille Julien vient de Maraussan, à deux pas de Béziers. Le Titre de Fédérale aidant, avec ma vie familiale et professionnelle que j’y ai créées, je m’identifie aujourd’hui comme un Biterrois.

Arbitre, c’est une vocation, un hasard, une opportunité ?
Gravé dans les gênes peut-être ?
Mon père, Henri Julien, médecin retraité à Coursan, a fait une dizaine d’années d’arbitrage. J’ai de vagues souvenirs de l’avoir accompagné tout petit.
En 2003, étant Espoir au club, j’ai arbitré les Reichel de Narbonne contre Carcassonne en amical.
J’ai adoré ça. En 2009, suite à notre relégation en Fed 1 avec l’ASB, m’’est revenue l’envie d’arbitrer. Mon père a pris son téléphone et a contacté Christian Chazal, ancien arbitre et membre très actif de l’Arbitrage Occitan. Je faisais 8 à 10 matchs par an et en 2012, j’étais le seul de Pro D2 à jouer le samedi et arbitrer en série le dimanche. Et si le match ne s’était pas bien passé la veille, j’avais le retour critique qui m’arrivait de la main courante ! Enfin, à ma retraite de joueur, je me suis mis à 100% à l’arbitrage. J’avais 30 ans.

«Arbitre, c’est dans les gênes, peut-être»


Quand on y est, c’est très différent de ce qu’on imaginait ?
Oui, alors que j’étais très dur avec eux, c’est une évidence. Quand on est au milieu de cette lutte, de ce combat, parfois au «couteau» on pourrait dire, il faut être sacrément lucide pour prendre les bonnes décisions. Et puis la concentration est essentielle. Il ne faut pas se laisser perturber par ce qui se passe au bord du terrain. Car des conseillers personnels de l’arbitre le long de la main courante, il y en a beaucoup.

Le stress ou la pression d’avant-match sont différents de ceux de joueur ?
La pression d’avant match pour un arbitre est quasi inexistante. Quand on est joueur, on se prépare la semaine entière, physiquement, techniquement, mentalement, pour être prêt à 10.000% au coup d’envoi du match.
Pour l’arbitre c’est différent. La pression vient au cours du match, au fur et à mesure de nos prises de décisions. Puis vient le moment délicat de se mettre face à l’auto-critique et l’analyse de ses pairs sur sa performance au retour aux vestiaires.

«Profiter de mes dernières saisons»

A quoi reconnaît-on un bon arbitre ?
Quand on arbitre, il faut décider sur le clair et évident, pas sur la petite faute obscure. Ca s’appelle le tri des fautes, et c’est là entre autres que l’on reconnait les meilleurs arbitres. Ce sont eux qui prennent les meilleures décisions.

Sens-tu que le regard des équipes que tu arbitres est différent ?
Je ne pense pas. C’est sûr que j’ai quelques restes physiques de ma période de joueur et que sur le terrain les équipes se disent que je suis bien gaillard pour un arbitre. Mais ça en reste là. Vous le savez, le rugby est un des rares sport où un arbitre à l’allure frêle, peut passer un gros savon à des grands gaillards sans qu’ils ne disent mot.

Un objectif précis ?
Aujourd’hui, je souhaite être le plus performant qu’il soit sur mes matchs, et profiter de mes dernières saisons. Si dans les prochaines années, j’ai la chance de grimper d’un étage j’en serai très fier. Mon objectif de carrière se réduit au fil que passe l’âge. J’ai 38 ans, et à 45 ans prend fin théoriquement la carrière des arbitres sur les divisions allant de la Fédérale 1 ou au-dessus.

Vous savez il y a plusieurs arbitres talentueux et plus jeunes qui frappent à la porte du monde professionnel. Par exemple Thibault Santamaria, excellent ostéopathe et arbitre Narbonnais de talent. Il est jeune et accomplit une très belle saison en Nationale. Lui c’est l’avenir, et je l’embrasse.

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