Professeur à Narbonne, auteur et scénariste, Patrick Milani présente son tout dernier film «Et nox facta est», un thriller théologique. Confinement oblige, c’est sur les ordinateurs et les tablettes qu’il a été d’abord diffusé.
Un geste de circonstances pour l’auteur. Qui s’explique.
Et nox facta est (Et la nuit fut) en pleine crise sanitaire mondiale !
Le titre était pour le moins approprié !
Effectivement le titre est plutôt en adéquation avec la période actuelle. Cette impression de désenchantement d’un monde où le matériel l’emporte sur le spirituel. Et cette fin d’époque, les différentes catastrophes qui s’abattent sur nous : écologiques, sanitaires… Elles peuvent trouver une réponse du côté des illuminés de toutes obédiences : traditionalistes, intégristes, et autres charlatans. Comment dès lors ne pas songer à «Babylone la grande « de l’Apocalypse : cette tentation des fausses religions parce qu’il faut combler le vide.
Comment résumer l’histoire de ce nouveau film ?
C’est un Un thriller donc, je suis tenté de dire un thriller théologique (plutôt qu’ésotérique). Les membres d’un groupe de satanistes (dans lequel émergent des conflits de pouvoir), traquent deux sœurs qu’il faut éliminer, coûte que coûte, pour sauver «la cause». Dans la séculaire lutte du bien contre le mal, le camp de l’ange déchu a déjà beaucoup payé de tributs à ces sœurs (les messagères de Dieu qui traversent les âges). Une policière voit s’accumuler des faits troublants et reçoit des documents de la part d’un informateur secret. Au début, perplexe sur ces phénomènes touchant à la religion, donc à un monde de plus en plus marginal et méconnu, elle finit par être irrésistiblement attirée par cette affaire…
Le côté local (histoires, lieux, personnages) est une vraie volonté de votre part ?
Le tournage s’est essentiellement déroulé dans le narbonnais (Mirepeisset, Narbonne, Le Somail, Gruissan…) mais aussi à Minerve, à Rennes-Le-Château et quelques plans en Corse. Notre pays est beau et nous faisons tout ce que nous pouvons pour le valoriser. Pas comme un produit de consommation mais plutôt comme un lieu de vie et d’Histoire.
Vous faites appel aux gens d’ici…
Les acteurs (une quarantaine de personnes) sont de l’Aude, de l’Hérault et du Gard. Ce sont des amateurs pour la plupart, même si certains ont quelques expériences de jeu dans certains films ou téléfilms.
On nous reproche souvent notre accent, comme une tare à cacher dans le cinéma français (sauf pour les rôles de patrons de bistrot ou de jeux de pétanques). Ici, nous l’arborons comme un étendard. Oui, le Languedoc et les languedociens peuvent produire du cinéma d’art et d’essai !
«Pour se divertir ou peut-être réfléchir»
Donner votre film à voir à tous au début du confinement était une évidence pour vous ?
En fait nous ne pouvions pas prévoir ce qu’il allait se passer. Même si un des acteurs décline à un moment : «Il faudrait une guerre ou une épidémie».
On ne voyait pas les choses arriver aussi rapidement. Le président de Ciném’Aude, René Martinolle m’avait dit qu’il était intéressé pour une diffusion du film dans les salles du réseau. Le contexte en a décidé autrement. Nous faisons un cinéma à message et généralement nos films finissent en libre accès sur Internet pour ouvrir le débat et partager nos points de vue.
Nous recevons beaucoup de commentaires et cela donne parfois l’occasion de débats forts intéressants. Étant donnée la situation, nous avons jugé qu’il serait bon d’avancer ce moment et d’offrir notre travail aux personnes qui ont du temps, peut-être pour se divertir, mais aussi peut-être pour réfléchir.
Ce moment précis de notre histoire, peut (peut-être) permettre de sortir des sentiers battus, non ? Tout cela est inscrit dans notre démarche depuis le début de nos activités. Mêler divertissement (la fiction, le polar,…) et réflexion, ouverture aux idées et au débat.
Parlez-nous un peu d’un de vos acteurs fétiches : Michel Sidobre.
Michel Sidobre. Je l’ai rencontré lors de lectures après la diffusion d’un de mes romans. Je lisais des extraits de mes histoires, il déclinait ses poèmes, puisque Michel est au préalable un poète. C’est un peu lui qui m’a dirigé vers le cinéma, pour lui une vraie passion. Il joue régulièrement des rôles pour le cinéma indépendant mais aussi parfois pour le cinéma industriel (mais son accent le cantonne là à de petites prestations). Il trouvait que mes histoires méritaient d’être mises en image. On a commencé avec «Du bleu au-dessus des toits». Nous interprétions le rôle de deux amis un peu perdus dans la jungle de l’absurdité de cette époque. J’ai écrit cette histoire en pastichant, presque indécemment, une partie des artistes narbonnais qui m’entourent. Les personnages que nous interprétons c’est nous, en vérité. Michel est donc dans le film une sorte de poète maudit comme il peut l’être dans la vraie vie d’aujourd’hui qui laisse peu de place à la poésie (à part peut-être dans la publicité !).
Il a réalisé une magnifique prestation dans «Et nox facta est». Je trouve que pour lui, c’est une réelle consécration.
«Sans moyens, c’est compliqué…»
Quel sujet aimeriez-vous plus que tout porter à l’écran ?
Je rêve de faire un film historique, un film d’époque, en costumes. Avec des chevaux, des charrettes, de belles images et une belle histoire. Dans le style de mes écrits littéraires (par exemple : Histoires ordinaires et extraordinaires du canal du Midi, un livre qui a connu un beau succès et une réédition). Mais sans moyens, c’est compliqué….
Où vivez-vous votre confinement ?
A Mirepeisset – où je suis aussi adjoint au maire – en famille. Avec ma compagne, infirmière à l’hôpital et mes deux enfants. Je fais aussi des cours en visio-conférences surtout pour mes élèves de terminale.
Ce confinement à rallonge est-il source de création ?
Pas vraiment. Il me permet de faire des choses que je fais habituellement au pas de course. Mais les projets auxquels je travaille actuellement étaient déjà en gestation.
Où pourra-t-on voir Et nox facta est une fois la crise terminée ?
Sans doute reprendrons-nous contact avec ciném’Aude et d’autres acteurs qui favorisent le vrai cinéma indépendant . Le passage en salle c’est aussi le contact avec le public. Généralement, nous assistons aux séances et nous nous ouvrons au dialogue à la fin du film. Il serait dommage de ne pas faire cela, surtout pour ce film en particulier. Il y a tant à dire sur le thème et sans doute sur la question du manque de spiritualité (ou sur l’omniprésence du matériel) dans nos vies.