Quand EDF envisageait l’installation de centrale nucléaire à Leucate

access_time Publié le 05/07/2022.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la toute puissante EDF envisageait, il y a cinquante ans, d’installer des réacteurs nucléaires sur… la sublime falaise de Leucate – La Franqui ! C’est ce que rappelle l’historien leucatois Jacques Hiron. Et ce n’est pas de la fiction.

Quel était le plan longuement préparé par EDF ?
En 1973, quand Georges Pompidou était président de la République, la France se lançait dans la production d’électricité d’origine nucléaire pour développer son indépendance énergétique. Cette politique a été sensiblement développée avec l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. C’est dans ce cadre que le site de la falaise de Leucate avait été retenu par EDF pour y créer une centrale nucléaire.

Pourquoi ce site pourtant remarquable ?
Cette future centrale réunissait plusieurs atouts aux yeux d’EDF : la très faible valeur marchande des terrains qui devaient être expropriés, la non urbanisation du plateau de la falaise en arrière de la centrale et la présence d’eaux suffisamment profondes, au-delà du pied de la falaise, pour assurer largement le refroidissement des réacteurs. Et puis – cerise sur le gâteau pour Leucate – la centrale resterait invisible du plateau puisqu’elle se situerait au niveau de la mer.

Où EDF voulait-elle implanter les réacteurs sur la falaise ?
La future centrale, constituée de quatre réacteurs de 1300 mégawatts, devait être édifiée dans le gigantesque décaissement de la falaise qui devait se faire à partir de « l’anse du paradis », entre le cap Leucate (où se situe l’actuel sémaphore de la Marine Nationale) et le cap des Frères à l’extrémité des côtes de La Franqui.

«L’action de Francis Valls fut déterminantes»

Comment a réagi la municipalité de l’époque face à ce projet pour le moins clivant ?
Quand le dossier de ce projet fut transmis à la municipalité de Leucate en 1973, celle-ci fut d’emblée très réticente. Le maire, Georges Casenove, estimait à juste titre que cette implantation était assez incomptable avec l’essor que prenait ici l’économie touristique, surtout depuis l’ouverture de la station nouvelle de Port Leucate en 1968. Mais que pouvait faire de simples élus d’un petit village face à la toute-puissance d’alors d’EDF ?

Comment EDF a essayé de convaincre les élus leucatois ?
Les arguments classiques déployés par EDF pour convaincre les élus étaient toujours les mêmes : des retombées fiscales plus que conséquentes pour la commune, des emplois pour du personnel local (sans toutefois que leur proportion ne soit définie) permettant de réduire le chômage, sans oublier la préservation du paysage puisque la vue de la centrale serait masquée par la hauteur de la falaise. Curieusement, ni la création d’une route d’accès sur le plateau ainsi que l’édification de pylônes électriques de haute tension, ni la création d’un vaste parking à l’usage du personnel ne furent évoquées à ce stade.

Quel rôle a joué Francis Vals, ex maire de Narbonne mais Leucatois de naissance ?
La résistance à ce projet de centrale est devenue importante quand le Leucatois Francis Vals (1910-1974) en a pris la tête. Ancien député de l’Aude, maire de Narbonne de 1959 à 1971, il était toujours resté très attaché à son pays natal. En 1983 il venait de devenir le premier président de la région administrative Languedoc-Roussillon nouvellement créée. Son action contre le projet de centrale fut déterminante et elle devint populaire. Son décès prématuré en 1974 ne remit rien en question : la machine était lancée et EDF ne pouvait plus s’y opposer.

«Restons vigilants»

EDF est quand même revenue à la charge en 1977. Pour quel résultat ?

En 1977, EDF a refait une tentative auprès du nouveau maire de Leucate. Les responsables de l’entreprise espéraient sans doute que Georges Bertrand serait plus conciliant que son prédécesseur. Il n’en fut rien, au contraire, et le projet fut violemment rejeté : il était perçu comme inconcevable à Leucate. Plus question pour EDF d’aller contre cette ferme volonté affichée par la population et ses élus.

Quelle alternative a été envisagée ?
Bloquée sur l’implantation leucatoise de son projet de centrale, EDF se devait de trouver une autre solution et c’est vers Port-la-Nouvelle que l’entreprise se tourna.

Une centrale pouvait s’envisager sur le site du Cap de Roc. Le problème de l’alimentation des eaux de refroidissement était plus complexe à résoudre qu’à Leucate mais une solution technique était possible. La résistance des habitants du port audois fut déterminante et elle se concrétisa finalement par le résultat d’un referendum local rejetant définitivement le projet.

Aujourd’hui, avec le PNR, le plateau de Leucate paraît à l’abri de ce genre de projet, non ?
Certes, le plateau de la falaise fait aujourd’hui partie intégrante du PNR ce qui constitue donc une garantie de protection environnementale.

Est-elle pour autant immuable ?

Personne ne peut le dire aujourd’hui.
Où seront implantées les micro-centrales nucléaires que le président Macron tient à créer ? Personne ne le sait encore. Les atouts que le projet leucatois présentaient pour EDF il y a 40 ans sont toujours d’actualité : restons donc vigilants.

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