Le « Petit Prince » du rugby deviendra-t-il le roi de la Fédé ? C’est en tout cas le souhait de l’ancien international de rugby de 66 ans, actuel maire de Gruissan et vice-président à la Région, Didier Codorniou.
Candidat à la présidence de la Fédération française de rugby (FFR) face au président sortant Florian Grill, il a officiellement lancé sa campagne de terrain en rencontrant des présidents de clubs audois, mercredi 21 août, sur ses terres gruissanaises. Alors que l’image du rugby a été sérieusement écornée par les récentes affaires qui ont défrayé la chronique, Didier Codorniou souhaite restaurer « l’ordre et la discipline » s’il est élu le 19 octobre prochain.
Vous avez annoncé votre candidature en mai mais vous commencez votre campagne aujourd’hui seulement ?
J’ai déjà lancé ma campagne mais disons que c’est la première réunion structurée avec des convocations de présidents qui viennent écouter le candidat à la présidence de la Fédération française de rugby sur ses propositions, avec une partie de l’équipe (3 ou 4 commissaires qui sont là) pour leur présenter notre méthode, notre programme, qui résulte d’une contribution avec tous les présidents, puisqu’on a lancé un grand questionnaire. On a 35 % de retours, soit 650 questionnaires, donc des réponses. Nous avons donc adapté notre programme selon ces retours et en fonction de nos propres orientations, comment nous, nous voyons le rugby.
L’image du rugby a été sérieusement écornée par trois affaires récentes (1), comment vous allez faire pour redorer son blason ?
En fait, comme vous avez pu le voir, je n’ai pas voulu participer au débat…
Vous avez mis longtemps à le faire, mais vous l’avez fait récemment.
J’ai pris le recul nécessaire tout en regardant l’actualité et, notamment, la gestion des situations tragiques. C’est difficile de donner des leçons quand on n’est pas en responsabilité. Je suis maire de Gruissan, depuis quatre mandats, je suis vice-président de la région, je sais qu’on a tous des responsabilités qu’il faut assumer, et il y a quelques défaillances dans les dispositifs, notamment de la gouvernance, qu’il est souhaitable de corriger. C’est ce que nous proposons dans notre programme, dans le cadre des assises du rugby.
Les assises, c’est à dire ?
Ce ne sont pas des états généraux d’un jour, ce sont des assises qui vont durer deux mois et demi après l’élection, c’est-à-dire du 20 octobre [le lendemain des résultats de l’élection pour la présidence de la FFR] jusqu’à fin décembre. L’objectif, c’est de rayonner sur l’ensemble des territoires de France et de régler tous les problèmes liés à la santé, aux championnats, aux finances, à la mobilité, aux comportements d’éthiques, déontologiques, etc. Tous ces sujets seront mis à plat avec l’ensemble des présidents au cours de réunions décentralisées.
Justement, l’actuel président de la FFR, Florian Grill, organise des assises le 29 août prochain. En apprenant la nouvelle, vous avez envoyé un courrier au comité éthique mercredi 21 août. Qu’elle en était la teneur ?
Ces états généraux d’un jour, c’est un peu le fait du prince. Et je ne crois pas qu’en une seule journée on puisse trouver des solutions. Aujourd’hui, la maison du XV de France est abîmée, son image est très abîmée, et tous les sujets sont importants. La gouvernance est aussi importante que tous les sujets dont on est en train de parler actuellement, l’Argentine et le décès tragique du jeune en Afrique du Sud (1). Moi, je crois à la concertation et à la démocratie participative. Cette démocratie participative, c’est notre cheval de bataille. Je ne suis pas pour un pouvoir centralisé, je suis pour un pouvoir partagé.
Est-ce que, pour vous, les trois affaires évoquées relèvent d’actes isolés ou sont le symptôme d’un problème systémique ?
En fait, ce sujet, là aussi, est sensible. J’ai vécu un certain nombre de tournées quand j’étais plus jeune. J’étais même manager des moins de 20 ans en Argentine et il y avait un directeur de tournée, un vice-président de la Fédération, un manager. Je crois savoir qu’il y a eu des failles et des manquements dans le dispositif de l’encadrement. Donc, il faut rétablir l’ordre et organiser la rigueur.
Et en même temps, quand on porte un maillot frappé du coq, il faut qu’on soit exemplaire. Exemplaire sur le terrain, exemplaire en dehors. Tout ça, ça fait partie d’une charte déontologique que les joueurs doivent, en permanence, regarder. Et quand ça ne va pas, il faut aussi qu’au-dessus, il y ait des hommes et des femmes qui puissent les recadrer.
Donc, il y a eu des manquements et ces manquements, je pense qu’ils doivent être corrigés dans le cadre des assises. Le courrier que j’ai envoyé, c’est en fait un problème d’éthique : nous sommes en campagne pour la présidence de la Fédération [pendant encore une soixantaine de jours]. C’est le fait du prince, je trouve, que d’organiser des états généraux maintenant. C’est pour ça que j’ai demandé au comité d’éthique qu’ils me disent si, est-ce que pour eux, il n’y a pas un problème lié à une opportunité d’organiser ces états généraux dans le cadre d’une campagne qui ne va durer qu’un mois et demi. Je pense qu’on peut attendre que la campagne se fasse et en fonction de l’élection, le président, quel qu’il soit, organisera ce qu’il a envie de faire.
Les valeurs portées par l’ovalie sont fondamentales, elles ont toujours été mises en avant. Là, elles sont mises à mal. Comment allez-vous faire pour rectifier le tir ?
Je pense que la société, aujourd’hui, est bouleversée. La société, c’est de plus la même qu’il y a 20 ans ou qu’il y a 40 ans. On revient sur les valeurs, on revient sur la nourriture, on revient sur l’exemplarité de la tâche. Moi, j’attache une grande importance à ce que nous sommes intrinsèquement. Je pense qu’il y a une culture à adopter dans des équipes. Je m’aperçois qu’effectivement, l’équipe de France, sur la tournée, même avant la tournée, pendant la Coupe du Monde, a dérogé à quelques principes de fonctionnement. Je crois qu’il est vraiment temps de recadrer et de restaurer l’ordre, la discipline.
Mais aussi de positiver. On ne peut pas dire en permanence que la fédération est en faillite, qu’elle va mal, qu’on ne s’en sort plus, qu’avec la Coupe du Monde il y a eu un déficit structurel qui s’est creusé entre le GIP (2) et le GIE. Et puis, d’un autre côté, et puis, derrière, dire que tout va bien parce qu’il y a les Jeux olympiques et une médaille d’or alors que le rugby à 7 coûte cher. Je crois qu’il y a de la cohérence à avoir et que le monde du rugby, aujourd’hui, est un peu agité et déstabilisé par une communication intensive, abusive. Je pense que le rugby a besoin d’être apaisé, d’être rassemblé. C’est le seul souci de mon engagement.
Ne pensez vous pas, aussi, que le rugby est en train de changer. Il est de plus en plus populaire, plus suivi, il n’est plus le club restreint, d’initiés, qu’il a pu être autrefois.
Les populations ont changé. Lors du premier match de la Coupe du Monde, j’avais derrière moi des hommes et des femmes de différents âges qui ont sifflé le président de la République, Emmanuel Macron. Et j’étais outré. Siffler l’arbitre, on ne l’entendait jamais avant. C’est là où il faut rétablir l’ordre. Et pour rétablir l’ordre, il faut en même temps qu’on soit exemplaire. Pour être exemplaire, il faut être directif et il faut qu’il y ait de l’autorité. Aujourd’hui, la gouvernance, l’autorité, ce sont des sujets qui sont trop importants.
Ce sont les principaux axes de votre programme ?
Il y a la gouvernance mais aussi le plan des infrastructures, que j’appelle le plan Marshall – et comme par hasard, le président sortant a inventé aussi un plan Marshall [sourire ironique]. Moi, c’est un plan qui est structuré avec les services de l’État, les collectivités, la Fédération. Nous, chaque année, on peut être en capacité d’investir 2 à 3 millions et on va lever 110 millions sur 4 ans pour les infrastructures, pour que l’on ait des stades conformes. Aujourd’hui, seulement 20% des stades sont rénovés alors que 80% sont vraiment dans des états catastrophiques. Pour ça, il faut aussi avoir engagé des relations avec les collectivités. C’est aussi ce que je fais dans mes différentes expériences, dans mes mandats respectifs, notamment de vice-président, d’aller lever des fonds pour les investissements.
Le rugby féminin est une voie royale pour la promotion. Nous allons également essayer de recapter les jeunes qui ont disparu. Notre projet, c’est de faire venir dans les prochaines années, 20 000 jeunes aux niveaux des cadets et juniors, avec le rectorat et l’académie, pour réinvestir dans les écoles.
Que ferez vous de vos mandats électoraux, si jamais vous êtes élu ?
Si je suis élu, je prendrai mes responsabilités. Je suis très attaché à Gruissan, la ville fait partie de mes bases. Mais je prendrai mes responsabilités le 19 [octobre] au soir, comme j’ai toujours fait. Je peux cumuler plusieurs compétences. Je l’ai démontré à plusieurs reprises. Et là, bien sûr, en fonction de l’élection, si je suis élu, j’assumerai cette présidence avec une volonté et un engagement à 100 %.
Dernière question. Le rugby, c’est de gauche ou de droite ?
[rires] Il est au centre .
Propos recueillis par Cyril Durand
(1) Les affaires Melvyn Jaminet (suspendu 34 semaines après ses propos racistes diffusés sur les réseaux sociaux) et Jégou-Auradou (deux joueurs du XV de France inculpés pour viol en Argentine) mais aussi le décès du jeune espoir du Stade toulousain Medhi Narjissi, emporté par les vagues le 7 août dernier alors qu’il était avec l’équipe de France des moins de 18 ans en Afrique du Sud.
(2) Selon nos confrères de « L’Equipe », »le dernier comité d’audit du GIP de la Coupe du monde 2023 a acté que l’atterrissage financier serait pire que prévu. Pour empêcher que la FFR se retrouve avec un trou de quasiment 20 M€ sur les bras, une réaffectation de l’héritage est en préparation, au détriment des collectivités locales et des clubs professionnels ».
Photos : Didier Codorniou à Gruissan, mercredi 21 août 2024 © Cyril Durand.