Le « journaliste-humoriste » David Castello-Lopes a le vent en poupe. Chroniques sur France Inter, interview avec Konbini, vidéos sur Arte… Il est également en tournée avec son spectacle « Authentique » qui cartonne. Rencontre avec un touche-à-tout qui marie humour et réflexion avec subtilité à l’occasion de son passage sur la scène du théâtre Jean-Alary, vendredi 13 décembre.
Votre spectacle s’appelle «Authentique» . Pourquoi ce titre ?
Parce que le spectacle est sur le thème de l’authenticité, du début à la fin. J’aborde plein de choses différentes mais cela reste le thème [principal]. Qu’est ce que ça veut dire être authentique pour un être humain ? Qu’est-ce qui pèse sur notre authenticité ? La vanité, le regard des autres, le fait de « faire genre »… Je passe en revue un peu tout ça depuis l’enfance – je parle des bébés qui se la pètent, par exemple – jusqu’à la mort, à quel point on peut être authentique dans la mort.
Le spectacle est-il lui-même 100% authentique ? C’est dur à dire mais en tout cas, j’essaie d’être le plus honnête possible. Je parle de moi, de mes faiblesses […]. Je ne sais pas si je suis plus authentique que tout le monde mais je suis peut-être un peu plus plus lucide sur mon inauthenticité.
Selon la définition, être authentique signifie « exprimer et agir conformément à son vrai moi, ses propres pensées, émotions, besoins ». Comment est-il, votre “vrai moi” à vous ?
C’est un peu dur de se résumer comme ça, mais c’est très juste. On pourrait résumer en disant que l’authenticité, c’est quand la forme correspond au fond, que ce que l’on montre correspond à ce que l’on est. Ce qui est rigolo, c’est qu’il n’y a que pour nous que la question se pose, il n’y a que les êtres humains qui peuvent être inauthentiques ou authentiques. Jamais vous vous demanderez si, par exemple, un saumon est sincère. Un saumon, qui est une boule d’intuition et d’instinct, qui n’a pas conscience de lui-même, ne peut pas décider de montrer au monde stratégiquement quelque chose qu’il n’est pas. Alors que nous, si.
Nous, on a conscience de nous-mêmes, donc on peut dire : « Je suis trop content que tu aies eu cette promotion, cher collègue » ; alors qu’en fait, on a envie qu’il décède dans la douleur, ce collègue.
Vous êtes d’origine portugaise et on apprend dans votre spectacle que vous êtes également juif. La mise en récit des origines et des religions semble être un passage obligé aujourd’hui pour les humoristes, particulièrement depuis le Jamel Comedy Club. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Cela fait 40 secondes de mon spectacle, je crois, donc ce n’est pas beaucoup. Mais je faisais un plus petit spectacle d’une demi-heure quand j’ai commencé et, effectivement, je faisais un truc beaucoup plus long sur mes origines. C’était un peu usé comme truc même je trouvais ça rigolo d’être portugais et juif, comme deux choses qui ne vont pas ensemble. Des gens me disaient, genre : « Ah bon, t’es juif ? Mais je croyais que t’étais portugais ? », comme si c’était incompatible. C’est-à-dire « Ah bon, t’es menuisier ? Je croyais que t’étais diabétique. »
Vous êtes journaliste et humoriste à la fois. Comment vous vous définissez, comment vous vous placez par rapport à cette double-casquette ?
Je suis « journaliste-humoriste ». Il n’y a cependant pas beaucoup de journalisme dans mon spectacle et ça fait dix ans que je ne fais pas un journalisme très courant. Je ne parle pas d’actualité, ou très peu, j’explique plutôt des choses qui sont aussi valables maintenant qu’il y a un an et qui le seront dans 5 ans ; ce n’est pas typique du journalisme. Mais je les explique avec les exigences du journalisme, avec précision, en vérifiant tout ce que je dis.
Dans « Intéressant » [sur Arte], que je fais depuis 5 ans, ce ne sont que des choses précises et vérifiées, c’est donc un travail journalistique. D’un autre côté, j’aime bien documenter mes blagues, c’est-à-dire faire un truc où je montre des documents qui prouvent ce que je dis. On pourrait dire que c’est une approche un peu journalistique.
Cela ne vous pose pas de problème, vous n’avez pas besoin de choisir selon les formats ?
Non, il n’y a aucun problème. Je n’ai pas besoin de choisir mais c’est sûr que si vous êtes journalistes au service reportage de France Inter, ce n’est pas là que vous allez pouvoir déployer des blagues. […] Il faut déjà que ce soit le plus neutre possible et que ça ait des signes extérieurs de la neutralité. Or la blague n’aide pas à avoir le signe extérieur de la neutralité.
On parle d’authenticité à l’approche de Noël. Qu’est ce que vous pensez du fait de mentir aux enfants sur le Père Noël ? C’est parfois une grande désillusion pour eux quand ils s’aperçoivent qu’on leur a menti pendant longtemps…
Ouais mais l’illusion dans laquelle ils vivent dans un premier temps est génératrice d’énormément de joie. Il y a plein de trucs qu’on ne saisit pas et qu’on ne comprend pas vraiment quand on est enfant. On vit un peu dans un monde magique, on a des croyances qui sont un peu, disons, l’essence des enfants. Qu’il y en ait une de plus qui soit générée par les adultes, moi ça ne me dérange pas… On croit aux monstres, en plein de trucs, alors pourquoi pas au Père Noël ?
Je pense qu’il y a toutefois un petit moment difficile [quand on apprend qu’il n’existe pas], effectivement, mais il est court et je ne sais pas s’il y a des enfants qui regrettent d’avoir cru au Père Noël, je ne pense pas.
Vous regrettez d’y avoir cru, vous ? Vous vous en souvenez quand on vous a annoncé qu’il n’existait pas ?
Oui, très bien. C’était mon premier jour de CP. J’avais 6 ans, quelqu’un m’a dit – « tu sais le Père Noël ça n’existe pas ». Je suis rentré à la maison et je l’ai dit à ma mère, elle m’a dit – « oui, c’est vrai, il n’existe pas » – et j’ai pleuré. Mais je me souviens très bien de l’émerveillement total de le voir arriver [à Noël]. Et aussi d’à quel point j’étais teubé quoi, genre je revois les photos, mais c’est tellement évidemment mon grand-père [déguisé] ! Il avait sa putain de chevalière qu’il n’avait même pas enlevé [rires]. C’est juste fou à quel point on est nul quand on a 3 ans.
Bon, rien à voir avec la perte des illusions, mais avez-vous un quelconque lien avec la ville de Carcassonne ?
J’y suis déjà venu. Pendant 15 ans, j’allais au Portugal avec mes parents en voiture et quand on revenait, on s’arrêtait souvent sur le chemin dans des villes, souvent les mêmes, et quelquefois on se disait : « Tiens, on va visiter une ville qu’on ne connaît pas ». Et c’est comme ça qu’on s’est arrêté une fois à Carcassonne […].
J’en garde un très très bon souvenir, mais un peu global de ces moments-là de l’enfance. Je me souviens des remparts, j’avais 14 ans, et mon père m’a pris en photo à ce moment-là. C’est une photo qui est restée, qui a été encadrée dans la famille et qu’on a eue sur le mur pendant très longtemps. Mon père était photographe donc il se trouve que c’était une photo de famille mais c’est par ailleurs une photo qu’il a exposé.
Vous êtes à la radio, la télé, sur le web, en tournée avec votre spectacle, souvent complet. Tout vous sourit. Est-ce qu’on peut vous souhaiter une réussite dans un autre domaine ?
Dans ma vie personnelle, j’aimerais bien m’installer avec quelqu’un pour de bon et avoir des enfants. Professionnellement, j’aimerais réussir à faire des vidéos, ou au moins une vidéo plus longue, qui dure une heure. J’ai jamais fait de vidéo de plus de 8 minutes. C’était un des challenges [qui m’a motivé] à faire des spectacles, ce n’était pas seulement de monter sur scène pour la première fois, c’était aussi de faire quelque chose qui dure une heure et demie. Et j’aimerais faire la même chose en vidéo.
Propos recueillis par Cyril Durand
Vendredi 13 décembre, 20 h 30, au théâtre Jean-Alary de Carcassonne. Il reste queslques places, réservation sur www.theatre.carcassonne.org
À découvrir également en librairie avec son livre « Les Origines » paru en octobre 2024 aux éditions Denoël (20 €).
Photo principale : David Castello-Lopes © Thomas O’Brien.