Située entre Limoux et Carcassonne, au cœur du Pays Cathare, dans un paysage de vignoble, elle a été construite à la fin du 8ème siècle, sous le règne de Charlemagne, à peu près à la même période que les abbayes audoises de Lagrasse, Caunes-Minervois ou Saint-Papoul.
En 970 a lieu la translation des reliques de Saint Hilaire, sous l’abbatiat de Benoît, en présence de Roger 1er, comte de Carcassonne, et de sa femme ; de l’évêque Francon de Carcassonne et de l’abbé de Saint-Michel de Cuxa. Le culte des reliques est important pour les abbayes. Cela favorisait l’afflux des pèlerins et participait à leur prestige et renommée.
Jusqu’au XIIIème siècle, l’abbaye bénéficie de la protection des Comtes de Carcassonne, mais à partir de la croisade contre les cathares (1209), elle traverse une période difficile, suite à un long procès qui l’oppose à la communauté dominicaine de Prouilhe.
De plus, l’élection de l’abbé Arnaud en 1265 est contestée en raison des condamnations pour hérésie de membres de sa famille. Au cours du XIVème siècle, malgré des périodes de difficultés financières, l’abbaye entreprend une militarisation du site avec la mise en place d’un fossé, d’une enceinte fortifiée et la rémunération d’une garnison d’hommes armés.
C’est une période de troubles liée à la peste noire, les conséquences de la guerre de Cent ans et la présence des Routiers. A cette même époque, le cloître actuel est bâti. L’effectif des moines passe de 29 à 20 religieux. Au XVIème siècle, l’abbaye sera soumise à la Commende (attribuée comme bénéfice financier à des laïcs) et connaîtra bien des difficultés financières…
Au cours du XVIIIème siècle, on ne recense plus que six moines qui ne respectent qu’avec peu de rigueur la Règle… Aussi en 1748, Monseigneur de Bezons, évêque de Carcassonne, prononce la suppression des offices claustraux et places monacales de l’abbaye. En 1758, les villageois abandonnent leur église paroissiale, devenue trop petite au profit de l’église abbatiale.
Le cloître devient par conséquent la place du village. La fin de ce siècle est marquée par la vente des biens et possessions de l’abbaye. Depuis 2001, la commune de Saint Hilaire a ouvert une structure d’accueil touristique qui permet de faire découvrir le site à des milliers de visiteurs. De grandes phases de restauration voient le jour régulièrement.
Le cloître
Le cloître est la cour intérieure desservant l’ensemble des bâtiments monastiques. Bâti en grès dans la première partie du XIVème siècle, il a la forme d’un trapèze irrégulier et compte 54 arcades. Le type de ses chapiteaux est assez uniforme Les motifs représentent des visages humains, des feuillages ou encore des animaux fantastiques.
Au centre, on trouve un bassin agrémenté d’une fontaine, ainsi qu’un puits, tous datés du XVIème siècle. Le cloître constituait un lieu de méditation, organisé autour d’un jardin ornemental, souvent découpé en quatre parties, et évoquant le paradis terrestre. Le silence total y était respecté.
L’église
L’église est par excellence le centre de la vie religieuse monastique, et de ce fait le premier édifice bâti lors de la construction de l’abbaye. Elle possède un plan simple, celui d’une croix latine, le chœur orienté vers l’est. Elle date du XIIème siècle pour l’abside et du XIIIème pour la nef inachevée.
Ce bâtiment en grès se caractérise par ses chapiteaux ornés de feuilles d’acanthe, ou de personnages inspirés de la mythologie, qui supportent des arcades croisées d’ogives. Le mobilier constitué de marbre rouge provient de Caunes Minervois (Aude).
Elle devient église paroissiale en 1758. Les moines s’y rendaient huit fois par jour, conformément à la Règle. De nos jours se devinent encore l’accès originel (en extérieur), couronné de son tympan peint du XVème siècle, et l’emplacement du bénitier.
Le logis abbatial
La salle abrite un remarquable plafond peint à la française de la fin du XVe siècle. Celui-ci a été restauré au XIXe, en même temps qu’ont été peints les murs, représentant les blasons de chaque abbé. Entre les solives (poutres) du plafond, des espaces appelés closoirs, mettent en évidence différents motifs : scènes de la vie, personnages vivants, devises, ou scènes plus « profanes ».
L’abbaye passe sous Commende en 1534, c’est-à-dire est attribuée comme un bénéfice financier à un laïc. Le décor ostentatoire disait à tous ceux qui y pénétraient le rang et la puissance de l’abbé.
Le réfectoire des moines
Le réfectoire est le lieu où l’on prenait les repas de manière collective. Il en existait deux à l’abbaye, l’un pour la communauté, l’autre pour les hôtes de passage. Dans l’épaisseur du mur se trouve une chaire du XIVème classée comme unique en France.
Durant le repas, un moine prenait place dans un recoin de la chaire, et ainsi caché lisait la Bible. Grâce à cet effet de caisson de résonnance, on l’entendait mais on ne le voyait pas, une façon unique de maîtriser l’acoustique et de favoriser l’écoute.
Restauré en 2005-2006 par les Monuments historiques, la salle sert notamment de salle d’exposition. Œufs, volaille, poisson, fruits et légumes, dont féculents, céréales, produits laitiers et vin composaient l’essentiel des repas chez les Bénédictins.
La cave
La cave creusée à même la roche dans un conglomérat appelé poudingue est le lieu où les moines produisaient leur vin, utilisé pendant la messe ou bu au cours du repas. Elle présente des conditions idéales, avec une température constante et un fort taux d’hygrométrie. On remarque la présence au plafond de quatre ouvertures.
Il s’agit d’anciens silos à grains (devenus de simples trappes ensuite) qui permettaient aux paysans de venir déverser les récoltes, de manière à réapprovisionner l’abbaye, en respectant ici encore la clôture. La tradition orale attribue aux bénédictins de Saint Hilaire la découverte en 1531 du 1er vin pétillant au monde : la Blanquette.
La partie fortifiée
Au cours du XIVe siècle, l’abbaye se fortifie, même s’il existait déjà une première enceinte plusrudimentaire auparavant. Un rempart, toujours perceptible, enserre intégralement le site. De plus, une herse complétée par une double porte (aujourd’hui détruites) protégeaient l’entrée directe au monastère.
A cet endroit même, une tour de guet à deux niveaux s’élevait au niveau de ces portes. Derrière l’église, un autre accès est encore visible dans la rue du Pont Levis (Portail de Malecaze). A plusieurs reprises, des conflits éclatent entre l’abbaye et les villageois pour la garde des clés. L’abbé se charge le plus souvent de l’entretien de l’enceinte fortifiée intérieure tandis que les consuls s’occupent de la muraille, défendue par un capitaine.
La prison, bâtie en même temps que le rempart au XIVe siècle, est une salle voûtée en pierre de grès et percée d’un simple oculus. Des soldats placés aux portes de l’abbaye assuraient la protection et enfermaient temporairement voleurs et malfaiteurs arrêtés sur les dépendances de l’abbaye.
(Photos/Commune Saint-Hilaire/Aude Pays Cathare Tourisme)