Dans son dernier roman, le Gruissanais de coeur Antoine Vétro mélange ses appartenances, entre Sicile et Cévennes, et raconte l’histoire d’un personnage en puisant dans ses propres souvenirs.
« L’enfant des lisières » chez TDO éditions (20 €) suit et raconte la vie de Salvatore, depuis sa plus tendre enfance, déjà remarquable. En effet, le personnage principal, dont l’auteur est très proche, est doté de capacités intellectuelles hors du commun : il lit dès 2 ans, et possède une mémoire des plus incroyables, en étant capable de se souvenir de sa vie intra matricielle, et même pré-matricielle. Il sait, par exemple, comment ses parents se sont rencontrés dans les moindres détails.
Issu d’un père et d’une mère tous deux siciliens, Salvatore naît pourtant près de Menton, après que ses parents ont traversé clandestinement la frontière italo-française pour fuir la misère de leur île originelle. Portée par le travail disponible dans les mines de charbon des Cévennes, la famille Zeffirelli s’installe dans le nord du Gard.
On explore alors les différentes étapes de sa vie, disséminées à la lisière de mondes très différents et qui sont éclairées à la lumière du regard si singulier, de ce personnage complexe.
Dans ce livre sélectionné pour le prix littéraire cévenol « Le Cabri d’Or », l’auteur apporte toute l’étendue de son amour pour les territoires qui composent son identité, mais également les savoirs très différents qu’il a acquis dans son parcours que ses amis décrivent comme « peu commun ».
Après une petite enfance en Sicile, Antoine Vétro grandit en effet près d’Alès, dans le Gard. Puis au gré de ses études et de ses différentes carrières professionnelles passera par Montpellier, Lille, Béziers ou encore Barcelone.
« Un leitmotiv : la transmission de la nostalgie »
« Dans cette histoire, tous les éléments factuels sont réels. Certains sont très romancés et d’autres pas du tout, ils sont racontés à l’état brut, mais le fondement de tout ça est réel ». Fortement inspiré de sa propre vie, son dernier ouvrage met également en avant ses racines siciliennes : « L’histoire de Salvatore Zeffirelli est racontée d’une façon très dégagée, comme l’humour que j’ai mis dedans, c’est très insulaire, très sicilien ». La présence de cet esprit sicilien qui compose son être semble lui tenir à cœur : « À mon sens, la richesse de chacun de nous (en parlant des personnes issues de l’immigration), c’est notre sang-mêlé, à condition qu’on en connaisse les origines, les ancêtres et leur parcours ».
Dans cette même lignée, l’auteur explique que l’ouvrage véhicule « un leitmotiv qui me tient beaucoup à cœur : la transmission de la nostalgie. ». « L’enfant des lisières » traduit cependant, une nostalgie peut-être différente de celle qui prédomine chez les individus aux origines composites. L’histoire de Salvatore Zeffirelli cherche en effet à transmettre une nostalgie plus positive, dans une époque où ce sentiment est plus souvent « une nostalgie amère » explique Vétro.
« C’est en partie mon histoire »
Comme personnage central de cette nostalgie, l’auteur ne manque pas d’évoquer le rôle de l’instituteur comme « un personnage fondamental dans le développement de Salvatore, il est un élément particulier de son terreau matriciel ». Le personnage du fils Zeffirelli partage avec son auteur des caractéristiques communes. Une première langue maternelle sicilienne, une seconde patoise (cévenole) et seulement une troisième qui s’avère être le français à son arrivée en Cours Préparatoire.
Antoine Vétro se souvient de ses années d’école élémentaire : « Ce qui se passe dans cette histoire, qui est en partie mon histoire, c’est que l’école primaire républicaine existait partout en France et en particulier dans les villages cévenols dont je suis issu. Et les instituteurs et institutrices prenaient tous les enfants, quelle que soit leur origine, leur couleur de peau, leur façon d’être et nous mettait tous au même niveau. Ils nous apprenaient la même chose : non seulement à lire et à écrire, l’histoire, la géographie etc. Mais aussi le respect et les valeurs tout aussi fondamentales qui gravitent autour et qui, malheureusement à l’heure actuelle, me semblent un peu piétinées. »
« J’ai essayé toute ma vie de transmettre »
Induit par ce sentiment de perdition de certaines valeurs, le souhait d’Antoine Vétro pour son livre serait que celui-ci puisse, ne serait-ce que partiellement, jouer le rôle de transmission que « la génération des baby-boomers, s’étant trouvée dans une période de l’Histoire où tout se passait bien, sans chômage, sans difficultés financières, a manqué ».
Plein d’espoir, en admirateur du vivre-ensemble et de l’intégration de toutes les origines, Antoine Vétro confesse : « À mon sens, cela a été une erreur fondamentale d’une génération. J’ai essayé toute ma vie de transmettre, et ce livre, j’espère que c’est un livre qui est, et qui sera perçu, comme un livre de transmission de choses fondamentales, qui malheureusement à l’heure actuelle, me semblent s’être un petit peu perdues ».
Matis Dardour
Pour trouver son livre, c’est par ici.
Photo : L’écrivain Antoine Vétro en mai 2024 © Cyril Durand.