Alors qu’elle est célébrée ce samedi 29 juin à Roullens, l’avenir est noir pour le champignon au cœur blanc. La truffe d’été, comme sa prestigieuse consœur hivernale, est menacée par les aléas climatiques.
Son cœur est aussi blanc que son corps et noir. Son goût évoque les sous-bois et la noisette fraîche et se révèle aux fins gourmets à condition de la consommer crue. Si la truffe d’été est loin d’arriver à la cheville gustative de sa prestigieuse consœur tuber melanosporeum, elle n’en demeure pas moins appréciée des gastronomes, apportant une note de terroir aux salades, pâtes et autres tapenades estivales.
Une association, Truffe et terroir en Malepère, la célèbre d’ailleurs chaque année depuis plus de dix ans dans le petit village de Roullens, à quelques encablure de Carcassonne (lire notre article). Autrefois délaissée, elle a peu à peu gagnée en notoriété aux cours des quarante dernières années grâce, notamment, à son prix attractif : on peut s’en procurer, selon l’origine et la qualité, à des prix variant de 100 à 300 euros le kilo, là où sa consœur sombre démarre à 1 000 euros le kilo.
« Il n’y a quasiment pas de plantations de truffe d’été »
Malheureusement pour les cuisiniers et gourmets qui commençaient tout juste à l’apprécier, son avenir semble incertain sous les latitudes audoises. « Pour la truffe issue des plantation de chênes, on compense les aléas climatiques pour faire en sorte qu’elle continue à se développer alors que la truffe naturelle, elle, subit totalement les aléas climatiques, explique Phillipe Gayzard, trésorier et membres du conseil d’administration de l’Association des trufficulteurs audois forte de 300 adhérents. Or, cette truffe, la truffe d’été, il n’y a quasiment pas de plantations. »
La tuber aestivum – aestivum signifie « de l’été » – est présente sous les mêmes essences d’arbres et sur les mêmes types de sols que ceux où poussent les truffes noires, mais durant la période estivale. Elle préfère les sols riches en calcium et en magnésium, granuleux et pleins de petites inclusions. Pour qu’elle croisse normalement, la truffe d’été a besoin d’eau et d’humidité. Cependant, si l’eau est trop présente, elle meurt et si le taux d’humidité au niveau de la surface du sol baisse trop, elle ne se développe pas non plus.
Ainsi, lors des années de sécheresse, elle n’est pas très présente au pied des arbres qu’elle affectionne particulièrement (chênes verts, peupliers, noisetiers ou tilleuls, mais également le chêne pubescent, le hêtre, le charme, le frêne ou le pin).
« On manque de recul sur la conduite culturelle »
« Elle n’a d’abord pas une grosse rentabilité et on manque de recul sur la conduite culturelle. Alors que sur la truffe d’hiver, la tuber melanosporope ou truffe du Périgord, on a quand même une bonne trentaine, quarantaine d’années d’expérience et on arrive à avoir des itinéraires culturels qui permettent de maintenir la production, assure Philippe Gayzard. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, on estime qu’il n’y a que 10 % de la truffe qui est une truffe naturelle ou sauvage et le reste sont des truffes – on ne dit pas cultivées, surtout pas – issues de plantations. La truffe blanche, elle n’est que naturelle. Moi, j’en ai planté 120 arbres, et j’ai quasiment aucun résultat. »
L’avenir de la truffe noire incertain
Bien que plus maîtrisé, l’avenir de la truffe noire dans l’Aude est lui aussi incertain. « Les truffes ont besoin de pluie en juillet, entre 15 et 20 mm, alors s’il ne pleut pas du tout… ça devient compliqué », explique un trufficulteur ayant sorti plusieurs kilos de ses trois hectares de chênes truffiers (environ 600 arbres) cette année.
S’il n’est pas encore question de complète pénurie, Philippe Gayzard estime que « la production est menacée à court terme ». Des solutions existent, notamment en installant des voilages autour des chênes qui permettent de « capturer » un minimum d’humidité dans les sols ou d’arroser directement… Une idée qui en fait bondir plus d’un. « Je suis contre, il y a plus urgent que ça », estime un trufficulteur.
Heureusement, la truffe est avant tout une histoire de passionnés et ne peut-être que difficilement envisagée comme une activité à temps plein. « C’est un complément d’activité, c’est une diversification », soutient Philippe Gayzard. Depuis 1975, « près de 650 trufficulteurs ont planté plus de 700 hectares » dans le département de l’Aude, selon la chambre d’agriculture. Une production venant alimenter les treize marchés aux truffes audois, qui se déroulent successivement de décembre à février et des deux marchés d’été, comme celui de Roullens. Mais jusqu’à quand ?
De la truffe dans le Nord-Pas-de-Calais ?
L’avenir des truffes se dessinent certainement sous d’autres horizons. Il existe une grande variété de truffes – noires, blanches, grises, d’été… – poussant dans les terres d’Italie, de Croatie, de Nouvelle-Zélande, d’Australie… « Il y en a même une au Maroc », glisse un trufficulteur. En France, 70 % des truffes poussent dans le Sud mais l’augmentation générale des températures entraîne une migration de la production vers le nord, notamment dans les Pays de la Loire où le sol calcaire est propice à son développement. Selon Philippe Gayzard, « ils seraient même en train de planter la truffe dans le Nord-Pas-de-Calais ». De quoi perdre ses repères. A quand de la truffe d’été en hiver ?
Cyril Durand
Photo : des truffes d’été © Association Terroir et Truffe.