Bages : 20 ans d’amitié avec le village palestinien de Jalboun

access_time Publié le 29/04/2024.

Jean Costadau, président de l’Association de coopération Bages-Jalboun évoque le jumelage entre le village palestinien et celui de l’Aude au moment où la guerre fait rage à Gaza.

Dans quelles circonstances est né ce jumelage ?
En 2002, l’armée israélienne attaquait le camp de réfugiés de Jénine*, au nord de la Cisjordanie occupée. L’émoi et la vague de protestations provoqués dans le monde par la violence destructrice et meurtrière de l’offensive militaire israélienne amenaient un élu de Bages et un Palestinien originaire de Jalboun à se rencontrer à Toulouse. De cette rencontre naissait l’idée d’un jumelage entre les deux communes.

A-t-il suscité l’engouement à Bages ?
Un jumelage nécessite un vote des conseils municipaux respectifs des deux communes, lesquels représentent, par principe, toute la population de leur village. Mais un jumelage n’est qu’une déclaration d’intention et l’association a été créée pour concrétiser cette intention. Comme dans toutes les associations les membres vraiment actifs, habitants du village ou de la Narbonnaise, sont en petit nombre. Au cours de ses vingt années, la poursuite de la coopération avec Jalboun a été reconduite par les conseils municipaux élus par la suite. En 2012 nous avons créé une antenne à Toulouse et en 2019, une association basée à Jimena de la Frontera en Andalousie, soutenue par son conseil municipal, à rejoint notre coopération. Le nombre d’adhérents à jour de leurs cotisations est d’environ quarante personnes et notre réseau de sympathisants compte environ deux cent cinquante personnes.

Brièvement, pouvez-vous nous dire quelques mots sur Jalboun ?
Jalboun est un village de 3000 habitants situé en Cisjordanie occupée, à l’est de Jénine, dans l’agglomération de Marj Bin Amer. Cette commune rurale a perdu 80% de son territoire suite à la construction du  »mur » en 2004 ainsi que son accès à la Vallée du Jourdain et à ses ressources en eau.
Pratiquement toute la commune est en zone C, c’est-à-dire sous administration de l’armée d’occupation. La vie quotidienne y est constamment troublée par les incursions de l’armée et des colons. Le taux de chômage est très élevé. Le contexte politique, économique et sécuritaire est très lourd et sombre. Toutefois les, institutions municipales et les écoles continuent de fonctionner dans la mesure du possible.

Avez-vous le sentiment qu’il s’agit d’un jumelage presque à sens unique ?
Un jumelage est une relation bilatérale et nos vingt années de coopération, depuis 2003, ont été riches en échanges, en amitiés et en réalisations concrètes. Les rencontres entre groupes de jeunes et/ou d’adultes sont enrichissantes pour tous les participants. Même hors du domaine interculturel, tous nos projets et toutes nos réalisations nécessitent des échanges qui profitent à tous les partenaires. Dans un domaine très technique comme, par exemple, la gestion des ressources en eau, les difficultés ne sont pas les mêmes suivant les territoires, mais les préoccupations et les recherches de solutions sont partagées.

« Un domaine passionnant, porteur d’idéal »

« Au-delà des barbelés, Bages, notre fenêtre ouverte sur la liberté ». Que vous inspire cette phrase que l’on peut lire à Jalboun ?
Lors de nos premières visites en 2003 nous avons découvert une situation économique et sécuritaire extrêmement difficile dans toute la Cisjordanie occupée. Depuis, nous avons vu la situation à Jalboun et en Palestine se dégrader continûment : construction par l’Israël du mur, restrictions des déplacements, violences quotidiennes de l’armée d’occupation et des colons, extension ininterrompue des colonies … C’est une situation que les palestiniens perçoivent comme révoltante et qui est, nous pouvons en témoigner, très difficile à vivre. Et en plus, nos amis ont le sentiment que les injustices, les crimes, commis à leur égard le sont dans l’indifférence ou avec le soutien de grandes puissances pourtant officiellement soucieuses de justice et de liberté.

Ce qui donne un sens à votre action…
Notre coopération donne la possibilité à certains, un petit nombre certes, de quitter les territoires occupés pour découvrir un petit bout d’Europe et réciproquement, la possibilité à quelques Européens de partager la vie des Palestiniens des territoires occupés. Notre coopération entretient aussi vivante l’idée qu’il faut distinguer les actions des gouvernements et leurs choix géopolitiques, généralement cyniques, et les relations directes entre citoyens. Ces relations directes, de citoyen à citoyen, par delà les frontières et les cultures, sont l’esprit même du jumelage, concept inventé après la dernière guerre mondiale pour que : « Plus jamais ça ! »

Qu’est-ce qui a fait qu’un jumelage de ce style a pu durer vingt ans ?
Mais comment et pourquoi s’arrêterait-il ? Notre coopération durera tant qu’il y aura des personnes qui s’y investiront. Notre association est basée dans un tout petit village dont les possibilités de subventionnement sont faibles. De même nos ressources propres, cotisations et dons de nos adhérents, sont modestes compte tenu des distances à franchir et de l’acuité des problèmes en Palestine occupée. Il faut donc trouver de l’argent ailleurs, remplir des dossiers souvent volumineux etc. Mais la coopération internationale est un domaine passionnant, porteur d’idéal et d’espoir en un monde plus coopératif, où régnerait un meilleurs partage des richesses et des savoirs. Et il y a encore beaucoup de travail devant nous, non ?

« Les jeunes arrivent à communiquer remarquablement » 

Êtes-vous parvenus à impliquer la jeunesse palestinienne et audoise ?
A notre modeste niveau, oui ! Depuis 2003 nous avons organisé sept rencontres entre groupes de huit à dix jeunes et/ou adultes, Français, Palestiniens et Espagnols, en France, en Espagne et en Palestine occupée. Ces rencontres ne sont pas des visites touristiques mais ont toujours un fil conducteur et un programme chargé. Elles donnent lieu à des productions sur papier ou en vidéo et perdurent par la suite par des échanges grâce à Internet. Quatre langues coexistent dans ces rencontres et vous seriez, j’en suis sûr, surpris de constater à quel point les jeunes participants arrivent à communiquer remarquablement pour toutes les choses de la vie quotidienne et qu’ils peuvent même s’engager dans des discussions plus compliquées sans interprète extérieur.

Estimez-vous, aujourd’hui, que la situation de Jalboun a pu évoluer ?
Comme dit plus haut la situation a évolué négativement sur tous les plans : économique, politique et sécuritaire. Mais nos relations ont évolué positivement. Nous avons acquis une bien meilleure connaissance et une grande confiance réciproque. Lors des rencontres entre groupes nous pouvons aborder et nous abordons tous les sujets, sociétaux ou politiques : place des femmes dans l’espace public, rapport à la religion, relations hommes/femmes, valeurs de la construction européenne, projets de société…

Des projets pour l’avenir proche ?
Oui, bien sûr. D’abord l’organisation à Bages et en Occitanie de la deuxième rencontre du projet Erasmus 2023. Ensuite, le nouveau projet de Maison pour Tous plus grande que la précédente. Et enfin le cofinancement d’une installation photovoltaïque capable de fournir une partie de l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement du forage du village. L’électricité, en Palestine, provient intégralement d’Israël et son coût est prohibitif pour les Palestiniens.

Les actions

– La maison pour tous
Avec l’aide d’une association palestinienne de rénovation du patrimoine et des financements départementaux, régionaux et à 80% suédois, des ruines de la période ottomane ont été rénovées en 2015 et tranformées en lieu d’accueil communal et en « petit centre culturel ».
– Le cours de français
Lors d’un séjour, deux retraités ont pu créer sur place le cours de français. Depuis 20 ans, les cotisations des membres financent ainsi l’emploi d’un professeur qualifié, qui forme au DELF une quarantaine d’élèves par an. Le plus petit jumelage franco-palestinien a ainsi créé la plus grosse école de français en Palestine !
– L’accés à l’eau
L’eau est un enjeu majeur en Palestine occupée. Par l’intermédiaire de l’association, le département de l’Aude a engagé une coopération directe avec Jalboun sur ce sujet.

Les rencontres

Les pays du bassin méditerranéen sont éligibles à certains programmes du programme Erasmus+.  En 2022, l’association a soumis à l’agence française Erasmus un projet de rencontres hispano-franco-palestiniennes. La première rencontre a eu lieu en juillet 2023 en Palestine. La deuxième devait avoir lieu à Bages et en Occitanie en octobre dernier. Elle a dû être annulée et sera reprogrammée cette année.

Les opposants au projets réunis à Toulouse le 25 novembre 2024 ©PAT BATARD Hans Luca via AFP
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