Alors qu’étaient débattues les orientations budgétaires du Département ce jeudi 20 mars, la présidente a sévèrement critiqué l’État, coupable selon elle de ne pas honorer ses engagements. Les grandes lignes pour dessiner le budget 2026 ont été présentées… sous ces contraintes.
C’est un rendez-vous majeur de la vie du Département. Le débat d’orientation budgétaire (Dob) permet à l’exécutif départemental de présenter ses grandes priorités pour le budget à venir et à l’hémicycle d’en débattre. Ce qui a occupé les rangs de l’assemblée ce jeudi 20 mars au matin. Avec une règle intangible : rendre un budget équilibré, comprenez : on ne dépense pas au-delà de ce que rapportent les recettes.
L’exercice se complique quand les recettes chutent… en raison de compensations non-versées ou déséquilibrées. Hélène Sandragné, présidente du Département, s’explique : “Nous subissons une baisse des recettes comme n’en ont jamais connu les collectivités dans leur histoire. Au premier rang, les fameux 2,2 milliards d’économies qui sont demandées aux collectivités territoriales dont 950 millions que l’on va chercher chez les seuls départements. Ce qui ne correspond absolument pas à notre poids économique, ni dans le PIB ni dans la dette nationale. Alors, j’écarte tout de suite une polémique qui pourrait consister à dire, la France va mal, il faut que nous participions. Oui, mais à juste proportion.”
“Déstabilisation majeure des collectivités”
Une fois le décor planté, la présidente poursuit sa plaidoirie accusatrice en pointant du doigt la dynamique de la TVA. Ce mécanisme qui devait permettre aux Départements de récupérer des entrées fiscales en compensation de la perte de la taxe sur le foncier bâti, taxe que l’État avait réattribuée aux communes… en dédommagement de la perte de la taxe d’habitation. “Le gouvernement nous avait dit : “ne vous inquiétez pas. On va vous donner la TVA, parce que la dynamique de la TVA est formidable.” Et aujourd’hui, nous n’hésitons pas à parler de mensonge d’État. Pourquoi ? Parce que parmi les mesures qu’a prises l’État, il a décidé que cette année, nous ne toucherions pas la dynamique de la TVA.”
Compensation financière : “On est à 50%”
Outre la caisse de retraite des agents territoriaux pour laquelle l’État demande aux collectivités employeurs de mettre la main à la poche pour combler le déficit, un autre facteur crée la discorde : la non-compensation pour les allocations de solidarité. En transférant ces compétences aux Départements (dont le RSA), l’État devait, en contre-partie, en assurer le financement. ”Sur le RSA, on devait avoir une compensation intégrale. On en est à peu près à 50%. Le reste, c’est moi qui dois le trouver dans mon budget. Résultat des courses, il me manque 80 millions.J’en verse 160, j’en récupère 80. C’est un autre élément de déstabilisation majeure des collectivités”, calcule la patronne du conseil départemental.
Parmi cet inventaire de difficultés dressé par la présidente, une fiscalité devait apporter un peu d’eau au moulin de la collectivité : les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Cette taxe payée par le contribuable (sauf primo-accédants) chez le notaire (parmi d’autres) lors d’une transaction immobilière. “Quand le marché immobilier s’effondre, ce qui était pour nous une recette essentielle s’effondre aussi. Dans notre budget de fonctionnement, en deux ans, j’ai perdu 24 millions de DMTO.” L’ardoise commence à s’alourdir pour le Département.
“Comment on élabore un budget dans ces conditions”
Face à ces contraintes communes, les Départements n’ont pas tous la même approche. Certains coupent drastiquement les budgets de secteurs précis, Hélène Sandragné a opté pour “un travail de dentellière pour préserver l’appareil de production et n’abandonner aucune politique publique”. Autrement dit : tous les secteurs vont être sollicités. “Chacun peut participer, un peu, à l’effort qui nous est demandé. Et s’il y a des mécontents, je comprends, mais s’ils veulent aller manifester, moi je viens avec eux.”
L’exécutif départemental s’appuie sur un triptyque pour mener cette mission d’équilibriste : d’abord ne plus élargir ses missions au-delà de ce qu’exige la loi (“Nous n’avons plus les moyens de faire de l’extra-légal”), ensuite regarder la trésorerie et le fonds de roulement association par association (“pour n’en mettre aucune en danger”) et enfin limiter les nouveaux chantiers (“ou en les finançant par des redéploiements”).
“Nous avons posé des priorités”
Cela ressemble tout de même à une baisse globale de l’action départementale. Même si Hélène Sandragné s’en défend et ne renonce pas à certaines priorités : “Nous avons maintenu des projets, notamment dans les collèges, autour de la rénovation thermique. Nous mettrons en œuvre à la rentrée 2025 un tarif unique dans tous les collèges du département pour la cantine, dans lequel nous inclurons effectivement la situation des élèves boursiers. Donc, nous avons posé des priorités. Nous continuons à investir dans les mobilités douces. Nous continuons à investir dans notre réseau routier, dans la protection de la ressource eau, pour nos agriculteurs. Nous maintenons de façon conséquente l’aide aux communes…”
Une mission d’équilibriste donc pour monter un budget 2026 pour lequel la présidente du Département assume de s’appuyer sur une large contribution : “On a regardé ligne par ligne. On regarde aussi chez les agents si on peut réorganiser le travail par exemple lors de départ. Personne n’y échappe. Alors, pour autant, nous avons des missions à remplir. Et nous avons fait des choix sur certains projets qui, pour nous, sont essentiels pour les Audoises et les Audois. Le tout nous permettant d’élaborer un budget, dans un équilibre qui a été difficile à trouver”.
Photo : Hélène Sandragné, présidente du Département, vent debout face aux contraintes impoosées par l’État. ©A.G.
Arnaud Gauthier