Le sel récolté en fin d’année 2024 pourra bénéficier du label bio. Une première pour une production française grâce à l’engagement sur le long terme du salin audois dans le développement durable. Aidé aussi par un petit coup de malice. Explications
Le salin de Gruissan marque l’histoire en devenant le premier en France à obtenir la certification européenne « sel bio ». Le site emblématique, situé à quelques kilomètres de Narbonne, était déjà connu pour son sel d’exception et son engagement environnemental. Il franchit une jolie étape avec cette labellisation.
Un mini-coup de poker
La famille Gabanou, aux commandes du salin de l’île Saint-Martin à Gruissan, n’a jamais caché son objectif : allier production et développement durable. Une devise lancée par le père Patrick, poursuivie par le fils Lony. L’obtention du label est ainsi la récompense d’un engagement lointain. Mais aussi le résultat d’un joli pari assorti d’un petit coup de malice.
“On savait que la norme bio devait être éditée en fin d’année 2024, explique Lony Gabanou. Elle l’a été en novembre. Pour plusieurs raisons, dont celle-ci, nous avons décalé notre récolte. On l’engage habituellement en septembre, cette année nous l’avons réalisée en décembre. Je pense que nous sommes les seuls à avoir récolté aussi tard, les seuls à avoir récolté après l’apparition de la norme et donc les seuls à pouvoir bénéficier dès cette année du label bio !” Un mini coup de poker bien vu certes mais qui ne doit pas occulter l’engagement sur le long terme du salin ni ses efforts pour produire sous des critères stricts du sel à l’impact écologique restreint.

Entre tradition et innovation
Le long de paysages côtiers balayés par le vent et caractéristiques de la côte audoise, le salin de Gruissan produit chaque année entre 10 000 tonnes et 15 000 tonnes de sel, principalement destiné à l’alimentation, l’agroalimentaire et les salaisons. Plutôt que de se lancer dans la production de masse, l’entreprise a fait le choix d’une démarche qualitative.
Actuellement seules 2 000 tonnes sont destinées au sel alimentaire. C’était tout juste 100 tonnes, quelques années en arrière. Avec l’ambition pour Lony Gabanou d’augmenter grandement cette part : “Le plus rapidement possible, on mettra beaucoup plus dans l’alimentaire. On a déjà des investissements qui sont en cours, qui commencent en septembre, où on va agrandir l’usine qu’on a fait il y a deux ans. On va même la doubler.”
En 2023 effectivement, une nouvelle unité de production avait été mise sur pied. Un projet d’envergure, un investissement total de 1,4 million d’euros : « Cette unité de transformation et de conditionnement joue un rôle majeur dans l’obtention du bio parce qu’elle est en énergie renouvelable. C’est un séchage à basse température et nous avons un pré-sécheur naturel : on s’aide du vent pour sécher le sel.”
Un engagement écologique affirmé
Lancée il y a deux ans, cette nouvelle unité s’inscrivait bien évidemment dans une politique de développement durable large qui vise aussi la suppression progressive du plastique dans les emballages. “On a réduit la présence du plastique de 90%. On est les premiers saliniers en France à fournir pour l’agroalimentaire des sacs en papier, en PEFC exactement, avec 5% de plastique à l’intérieur. On a fait la première salière “0 plastique”. On a uniquement le film protecteur – à l’intérieur du tube en carton – qui est en plastique pour répondre aux normes alimentaires. Ce petit film représente moins de 1% et il est facile à recycler”, annonce fièrement le saunier qui ne compte pas s’arrêter-là : “On a encore des idées. On a des essais en cours sur des nouveaux sacs. On enlèverait encore bien une part de plastique. Mais il faut réaliser des essais, notamment de vieillissement.”

Un tournant pour l’avenir
Grâce à sa certification bio, le salin de Gruissan se positionne comme un modèle en matière de production durable et responsable. Et compte bien profiter de cette nouvelle étiquette sur la saison 2025. L’objectif étant d’agrandir le marché, d’augmenter le volume pour que les surcoûts liés à cette production éthique deviennent toujours plus acceptables pour le consommateur final.
“Nous avons été malins. Nous sommes les premiers. Donc on va bien en profiter, essayer de faire parler de nous. J’espère ensuite que des sels très industriels ne bénéficieront pas du label bio dans les années à venir”, craint Lony Gabanou avant de vite retrouver son optimisme : “Mais bon, vous savez, il n’y a pas beaucoup de producteurs de sel de mer en France. Donc on arrivera toujours à faire notre chemin.”
Photo principale : sur les 10 000 à 15 000 tonnes de sel récoltées par an, tout juste 2 000 sont destinées à l’alimentaire. ©DR
Arnaud Gauthier