Patrick Martin, chef de service à l’Office français de la biodiversité de l’Aude, nous a ouvert les portes de son établissement. Il explique les missions de l’OFB et les sentiments des agents dans une période tendue.
Mercredi 26 février 2025. Devant le siège de l’OFB de l’Aude, un employé s’active à gommer les stigmates d’une dégradation survenue un mois plus tôt. Portail brûlé, mur d’enceinte tagué… l’établissement avait été victime d’un acte de vandalisme le 22 janvier. OFB ? Trois lettres pour Office français de la biodiversité. Un sigle qui a fait son apparition à la Une de l’actualité. Depuis que l’arme réglementaire de ses agents, portée en permanence et donc lors des contrôles, cristallise une partie de la colère des agriculteurs. Dans l’Aude comme partout en France.
Car parmi les nombreuses missions confiées à l’OFB, son pouvoir de police, notamment en matière d’irrigation et d’utilisation des produits phytosanitaires, irrite. Un grief qu’ont du mal à comprendre les agents.Patrick Martin est le chef de service de l’OFB de l’Aude. 16 agents travaillent dans l’établissement départemental situé aux portes de Carcassonne, à deux pas de la chambre d’agriculture. « On ne parle que de nos interventions dans les exploitations agricoles alors que cela ne représente qu’une toute petite partie de l’activité de l’OFB. Et quand on le fait, on le fait que pour faire respecter la loi. », explique, pédagogue, le responsable.

Aucun contrôle au hasard
Les missions de police sont larges et ne représentent que 50% de l’activité de l’OFB dans l’Aude. Cette partie ne se limite pas qu’aux agriculteurs, elle englobe la police de la chasse, de la pêche, des espèces protégées, de la circulation motorisée dans les espaces naturels… et donc les contrôles en exploitations agricoles quand c’est nécessaire. « On ne procède pas à des contrôles chez les agriculteurs au hasard. Nous sommes alertés d’une atteinte au milieu naturel par un signalement ou lors de notre présence sur le terrain. C’est ce qui déclenche notre enquête : quand on constate que le milieu est dégradé. C’est ensuite lors des investigations qu’on peut remonter jusqu’à une exploitation agricole, mais ça peut aussi être chez un particulier ou une entreprise. Au départ, on ne sait pas sur qui ni sur quoi va déboucher l’enquête. », précise le chef de service.
Actuellement et en réponse « au manque de soutien » de la part du gouvernement un mouvement syndical demande aux agents de l’OFB de ne pas intervenir en exploitation agricole « si l’enquête nous amène sur un agriculteur, on met le dossier en attente ou si c’est important, on passe le relais à la gendarmerie ou à la police. » explique Patrick Martin.
Les critiques ciblant leur rôle et le port de l’arme, il ne les comprend pas : « Ces griefs sont assez injustes parce qu’on ne fait qu’appliquer les textes votés par les politiques. Tous les automobilistes ne se sentent pas persécutés quand ils se font contrôler par des gendarmes armés. En plus, on ne nous reproche aucun fait précis… si ce n’est une phrase maladroite d’un de nos collègues* » Bref, l’ambiance est tendue mais le fonctionnaire garde espoir : « Après les dégradations qu’on a subies fin janvier, les Jeunes agriculteurs sont venus, d’eux-mêmes, nous rendre visite et tout s’est très bien passé. Quand on discute, quand on explique exactement ce qu’on fait, les gens comprennent. Et d’ailleurs, tous les agriculteurs ne sont pas contre nous, heureusement ! »
Des missions très variées
Les autres missions confiées à l’OFB sont peut-être plus méconnues. Le volet « connaissance » permet par exemple un travail de terrain et d’observation de certaines espèces, pour l’Aude, il s’agit essentiellement du loup, de l’ours ou de la loutre. « On a également une partie « mobilisation citoyenne » qui permet, entre autres, à des établissements scolaires de répondre à des appels à projet sur la biodiversité puis ensuite de monter ces projets. C’est toujours l’équipe pédagogique qui est à l’initiative. On est là en soutien », détaille Nicolas Dodet, adjoint de Patrick Martin. La dernière mission de l’office englobe la gestion des espaces naturels à enjeu.
Mais pour l’heure, c’est bien sa mission de police qui est au centre des attentions. Qui plus est en plein Salon de l’agriculture. Les positions pourraient continuer à se tendre. Le mouvement de l’OFB est parti pour se durcir : les agents attendent toujours les lettres de soutien promises par le Premier ministre alors que Laurent Wauquiez, patron des députés LR, a demandé dans les allées du Salon de l’agriculture à la ministre Pannier-Runacher « d’écouter » les agriculteurs sur l’OFB.
Photo principale : Patrick Martin, chef de service à l’OFB de l’Aude. ©A.G.
Arnaud Gauthier
(*) Mercredi 15 janvier, un agent de l’OFB avait déclaré : « J’ai le sentiment que ce qu’ils veulent, c’est de ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités. »