Professeur de français au lycée Lacroix de Narbonne, Christine Michel est aussi Chrismi, une artiste aux talents multiples et qui, aujourd’hui, après le pastel et les dessins avec le doigt, fait des tableaux avec… ses cheveux. Elle nous en dit un peu plus sur sa démarche.
Depuis toujours, le dessin est-il votre échappatoire ?
« Echappatoire » n’est pas le mot juste, même si c’est vrai que je pars souvent dans mon imagination. Je ne cherche pas à m’évader ou fuir quoi que ce soit quand je dessine, Je suis assez réservée, je me livre peu. Le dessin est donc plutôt pour moi un moyen d’expression ou même une confrontation avec moi-même. Je me construis avec, je me cherche… .
Pourquoi avoir opté pour le pastel ?
J’ai commencé très tôt et toute seule avec le pastel sec parce que ma tante, qui est aussi artiste, m’avait offert une très belle boîte de Rembrandt que j’ai encore d’ailleurs ! J’ai tout de suite accroché avec cette technique parce qu’on peut faire des fondus extraordinaires avec des pigments bruts magnifiques. Avec le pastel on crée la lumière, on peut aussi créer des zones d’ombre et du mystère et j’aimais bien jouer avec ça, montrer mais aussi cacher.
Que vous apporte de dessiner avec les doigts ?
C’est plaisant : pas besoin d’intermédiaire, pas de crayon à appointer ! J’aime cette simplicité. Et en plus on peut tout faire avec les doigts : au pastel, je faisais parfois de très grandes surfaces mais aussi des choses très précises – avec le petit doigt !
Quand je dessine avec des cheveux, j’utilise même les deux mains et cela se rapproche plus de la sculpture en 2D. Je façonne le cheveu, ça me détend, ça m’apaise…
Justement, comment est née cette étrange idée de dessiner avec vos cheveux ?
C’est arrivé dans la baignoire : les cheveux que je perdais prenaient de jolies formes courbes tout en douceur au contact de l’eau et moi j’y voyais des personnages en mouvement. C’était très graphique aussi le cheveu noir sur le carrelage blanc. J’ai commencé à « sculpter » les cheveux comme ça, pour m’amuser. Et puis un jour, j’ai eu envie de garder un des motifs apparus sur le carrelage et je me suis débrouillée pour faire une sorte de transfert sur une feuille. Ça a marché ! Le dessin au cheveu était né !
Si je vous dis que rien ne se perd et tout peut se transformer, vous me répondez quoi ?
Je suis tout à fait d’accord avec cette idée qui fait partie de ma démarche artistique mais aussi de mon quotidien : recycler, donner une seconde vie aux choses, fabriquer soi-même me paraît important pour résister à la dérive du « toujours plus ». Ce qui était destiné à la poubelle ou aux égouts peut tout à coup devenir très beau et poétique. Pour moi, le cheveu est plein de vie quand je le travaille, il se courbe, s’enroule, se déroule, il devient personnage ou végétal, il raconte son histoire, celle de l’humain, de sa fragilité…
Est-ce le cheveu qui guide votre création plutôt que l’inverse ?
Oui, c’est exactement ça : je me laisse guider par le mouvement du cheveu, sa fluidité. Quand je commence, je ne sais pas à l’avance ce que je cherche, je le découvre en faisant. Il n’y a plus d’erreur ou d’échec : tout est possible. Inclure l’aléatoire dans mon travail me donne beaucoup de liberté. Si je cherche trop à maîtriser et que je veux donner au cheveu une forme qu’il ne prendrait pas naturellement, cela fonctionne moins bien, Moi, je rencontre mon dessin ! Il y a un côté un peu magique là-dedans qui me plaît bien.
Faites-vous davantage appel à votre imagination qu’avec le pastel par exemple ?
Oui, c’est certain : le dessin au cheveu, ce n’est que de l’imagination… il n’y a pas de prouesse technique ni de grande réflexion au préalable. Tout est dans le regard et l’intuition qu’il se passe quelque chose et que ça fonctionne, Le résultat est plus libre, plus surprenant que lorsque je travaillais au pastel. La part d’aléatoire élargit le champ des possibles. .
Mettre des mots sur les dessins était essentiel à vos yeux ?
Oui, mettre des mots est important pour moi : je mets des titres et j’écris parfois de petits textes poétiques. C’est la dernière phase de mon travail qui me permet de donner vie et sens au dessin. Les mots me viennent spontanément quand le dessin est juste. Ils participent à la poésie de l’image et font partie intégrante de mon travail. Ils sont minimalistes comme le trait. J’avais imaginé les inclure dans l’image mais je ne l’ai pas fait pour que chacun puisse se projeter dans le dessin et se raconter sa propre histoire.
Pour moi c’est le dessin qui « débloque » les mots. Tout est lié.
Quels retours avez-vous du public qui découvre vos œuvres ?
Plutôt des retours positifs. Les gens qui passent au marché de l’art sont curieux, intéressés ou étonnés. Ils trouvent que c’est original et que c’est une bonne idée. Ils s’amusent à chercher ce qui se cache dans l’image et confrontent leurs visions, leurs interprétations. Il y en a même qui m’ont donné quelques cheveux pour que j’essaie avec les leurs !
Vos élèves connaissent-ils vos créations et votre côté artiste ?
Mes créations non, pas pour le moment, je n’aime pas raconter ma vie à mes élèves mais je leur dis en début d’année que je travaille à temps partiel, que c’est un choix – et pas parce que je suis fainéante – que je dessine (mais pas que) et que je trouve mon équilibre un pied dedans, l’autre dehors…
Propos recueillis par
notre correspondant local