Le domaine viticole bio de 40 hectares, à côté de Carcassonne, s’est lancé, avec un certain succès dans le vin sans alcool. Quelle est sa recette ?
What’s up Brau ? Au rayon nouveauté du domaine viticole racheté en 2020 par deux associés à Villemoustaussou, une gamme de vins désalcoolisés. Un sacrilège diront les vignerons les plus orthodoxes ; une aubaine penseront les progressistes libéraux.
Un segment porteur
En effet, le vin désalcoolisé est un secteur en pleine croissance, à rebours du marché classique. Le marché mondial est aujourd’hui estimé à 1,85 milliard d’euros par le cabinet américain Fact. MR. Ce dernier prévoit même que ce marché atteindra les 4,8 milliards d’euros en 2033 à force « d’une croissance de 10 % par an« . Fins tacticiens commerciaux, Fabien Revol et Guillaume Mauffray, les propriétaires du domaine de Brau, ont flairé le bon filon et compte bien l’exploiter. Ils ont commercialisé une gamme de trois vins (rosé, blanc, sauvignon effervescent) désalcoolisés sous l’appellation
« Cypher », pour faire disparaître la notion d’alcool jusque dans le nom.
Un design colorée aux lignes épurées pour des produits certifiés bios (le domaine l’est depuis 1989) et éco-responsables (les étiquettes et cartons recyclés et les encres végétales) proposés en bouteilles ou en canettes. « En termes de marketing, nous sommes sur un positionnement qui n’est pas du tout classique. Parce que pour nous, c’est autre chose que du vin et donc nous ne le vendons pas avec les codes classiques du vin », confie Fabien Revol.
« C’est une progression naturelle »
Outre l’opportunité commerciale, le secteur du sans alcool semblait une évidence pour ce domaine de 40 hectares certifié bio. « On a des vins en canette, on fait des cépages résistants, on fait plein de trucs complètement foufous. C’est une progression naturelle. Ça va dans notre idée de toujours innover et ça, philosophiquement, c’était hyper aligné », assure ce diplômé d’une école de commerce.
Malgré la crise économique qui secoue le monde viticole – « la plus dure depuis 40 ans », selon lui – le domaine affiche une croissance annuelle insolente de plus 40 % depuis trois ans, et un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros… « Avec une production de 45 hectolitres par hectares, on est capable d’avoir un modèle économique viable parce que l’on va valoriser notre produit », poursuit-il. Leur recette ? « On innove. On fait des vins natures, des formats originaux, des vins bas en alcool, on développe de l’œnotourisme et nous ne sommes pas classiques dans notre approche marketing.«
« L’alcool, c’est plus cool »
La filière du sans alcool est ainsi apparue comme une évidence pour le domaine de Brau qui a produit 75 000 bouteilles Cypher cette année. « Il y avait de plus en plus de demandes à l’international », note le domaine qui réalise déjà 70 % de ses ventes à l’export et peu donc s’appuyer sur son réseau pour développer ce nouveau segment. « Quand des consommateurs sont dans une démarche sans alcool, vous êtes sur des leviers sociaux et comportementaux qui sont les mêmes en France, en Angleterre, à New York […]. En tout cas, socialement, c’est certain qu’aujourd’hui, l’alcool, c’est plus cool. Je pense que sociologiquement, il y a un vrai changement qui se retrouve dans tous les pays occidentaux. »
Les 18-25 ans, au pouvoir d’achat limité, ne sont cependant pas « les premiers prescripteurs de Cypher car c’est plus cher que l’alcool » (entre 12, 50 et 16, 90 € la bouteille), mais plutôt les femmes enceintes, celles qui allaitent, les personnes sous traitement médical ou encore, communauté importante, les musulmans.
Quelques mois après le lancement de sa nouvelle gamme, le domaine de Brau affiche « une très forte croissance là-dessus ». Ses produits sont distribués au national chez la chaîne de cavistes V and B (400 en France) qui vient de mettre en place un corner dédié au « No Low » (pour « No Alcohol / Low Alcohol ») appelé « Gueules de Joie ». « Fin août, on sera dans 120 magasins et dans les 400 d’ici un an et demi« , espère Fabien Revol qui lorgne aussi du côté des grandes surfaces pour développer la commercialisation. « Aujourd’hui, on est présent au Québec, en Californie, en Belgique, en Hollande et nous serons en Suède à la rentrée« , précise-t-il.
Attention tout de même prévient Fabien Revol, le segment No Low, « ce n’est pas le miroir aux alouettes car en termes de marketing, c’est dix fois plus compliqué que le vin normal car il faut éduquer le marché, c’est un marché d’offres ». Gare à la gueule de bois en somme.
Cyril Durand