L’abbaye de Fontfroide, un monument du Moyen-Âge dans le coup

access_time Publié le 20/07/2024.

L'abbaye de Fontfroide depuis son cloître © Cyril Durand.

L’abbaye, fondée en 1093, a su passer les époques et vivre avec son temps. L’association qui la gère aujourd’hui multiplie les actions pour conjuguer ce monument historique au présent. Et faire tourner cette entreprise patrimoniale.

Pour parvenir à l’abbaye de Fontfroide, il faut laisser derrière soi la ville de  Narbonne, partir à l’ouest, passer sous le pont bruyant de l’autoroute A61 puis suivre la route D613 serpentant dans la garrigue. Au bout du chemin, niché entre les collines, le majestueux bâtiment attend paisiblement les visiteurs depuis des siècles, à l’abri du vent et du temps qui passe. Si les shorts colorés des touristes ont depuis longtemps remplacé l’austère robe de bure des moines cisterciens, la profondeur des pierres et la sérénité des lieux invitent au recueillement, aujourd’hui encore.

Fondée en 1093

Fondée en 1093 par des moines bénédictins avant d’être intégrée l’ordre de Cîteaux en 1145, l’abbaye a traversé les époques et porte sur ses murs les stigmates de son histoire. « Les lieux n’ont plus leur configuration d’origine, on le voit par exemple ici, avec cette cour d’honneur ressemblant davantage à celle d’un château qu’à celle d’une abbaye cistercienne »,  explique Ludivine Zambano, guide conférencière, depuis cette cour nappée de soleil et de la cymbalisation incessante des cigales en ce lundi de juillet.

La guide conférencière Ludivine Zambano avec un groupe, lundi 15 juillet 2024 © C. D.

En effet, si à son apogée, l’abbaye abritait entre ses murs épais une centaine de moines cisterciens, cherchant en ces lieux reculés à s’isoler du reste du monde, la plupart a été décimée par la peste noire entre 1347 et 1953. « Des familles nobles se sont installées ensuite, à partir du XVIe siècle, et ont un peu réaménagé l’abbaye aux goûts de leurs époques. La cour d’honneur évoque cette vie de château tout comme la cour Louis XIV (ou cour de Travail) avec son fronton néoclassique », poursuit l’ancienne assistante technique de 46 ans reconvertie dans l’histoire de l’art en guidant les visiteurs dans les couloirs du bâtiment.

Des moines joueurs de billard

Les moines se sont également laissé gagner par le confort de la vie de château, reléguant peu à peu au second plan l’austérité monacale des débuts. « Il y a eu une petite cohabitation avec une quinzaine de moines, mais ce n’était plus du tout des moines cisterciens. Ils avaient des domestiques, mangeaient des mets raffinés. On sait également qu’ils jouaient au billard. On a retrouvé, fait rare, une demande de remplacement de leur tapis sur un livre de commandes. C’est assez anecdotique mais représentatif de ces moines« , poursuit Ludivine Zambano en menant son groupe le long du magnifique cloître.

Une exposition steampunk

Certains visiteurs seront étonnés de voir sur leur parcours les oeuvres protéiformes de Spi-K-Tri, des ses peintures street-art à ses sculptures faites de métaux recyclés dans un style steampunk. Une centaine sont disséminée dans l’abbaye, offrant un contraste saisissant entre l’ancien et le moderne. « Nous avons une volonté de mettre en avant des artistes locaux et, surtout, d’accueillir de l’art contemporain« , explique la direction. Le street-artiste audois s’est donc vu confier les rênes d’une exposition estivale (jusqu’au 8 septembre) afin d’ancrer l’abbaye un peu plus dans son époque.

Les créations de Spi-K-Tri offrent un contraste saisissant entre l’ancien et le moderne © C. D.

Cette volonté, de faire dialoguer l’ancien et le moderne à travers l’art, est héritée de l’illustre Gustave Fayet, qui racheta cette abbaye à l’abandon avec sa femme, Madeleine d’Andoque, en 1908, après le départ définitifs des derniers moines en 1901. « Un artiste et un grand collectionneur qui a beaucoup fait pour la restauration de l’abbaye. Il y a son empreinte un peu partout« , indique Ludivine Zambano. Le couple a réalisé des travaux de rénovation pendant plus de dix ans, faisant venir des amis et artistes comme Odilon Redon, Aristide Maillol, Ricardo Viñes ou encore Maurice Ravel. « Les vitraux de l’église, par exemple, sont l’oeuvre de Richard de Burgsthal dans un style art nouveau. » Des toiles d’Odilon Redon sont également visibles dans la bibliothèque (ouverte un dimanche sur deux, hors juillet-août).

« Il faut se renouveler et ne pas lasser le public »

Cette ouverture au monde par les arts hante toujours les lieux et guide l’orientation de l’abbaye, transformée peu à peu en centre culturel. « Après des siècles de fermeture, l’abbaye s’est ouverte sur le monde extérieur. Depuis les années 1980 pour accueillir du public mais aussi pour continuer d’accueillir des artistes. C’est resté un peu dans les gènes de Fontfroide, explique Rogier Finkelday, responsable de la communication. On accueille tous les ans des artistes en résidence, que ce soit des sculpteurs comme Spi-K-Tri ou des musiciens. On accueille d’ailleurs depuis 3 ans l’ensemble Orpheus 21 qui va jouer ce soir avec Jordi Savall », explique-t-il, à l’occasion d’un concert pour la 18e édition du festival Musique et histoire, organisé ici du 15 au 18 juillet (lire notre article).

Une entreprise privée sans bénéfice

Une orientation aussi génétique que nécessaire pour l’abbaye qui dépend essentiellement des entrées (environ 130 000 par an, faisant de l’abbaye le deuxième monument le plus visité du département après le château comtal de Carcassonne) pour faire tourner sa petite entreprise patrimoniale, Passion Fontfroide, gérée par les légataires de Gustave Fayet –  « ils sont entre 200 et 300 aujourd’hui » – réunis en association depuis 4 ans. « Tous les revenus sont obligatoirement réinvestis dans le patrimoine, les salaires des employés (ils sont environ 35) et le développement de nouvelles activités.La famille ne peut pas faire de bénéfices ni vendre, c’est écrit dans les statuts de l’association. Par contre, elle n’a pas non plus besoin d’investir elle-même dans le patrimoine. »

Classée monument historique en partie depuis le passage d’Eugène Vilollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle, puis intégralement depuis le début du XXe, l’abbaye peut ainsi bénéficier d’aides de l’Etat, de la Région ou du Département pour les travaux de restauration mais doit compter sur sa billetterie pour le reste. « C’est pour ça qu’il faut se renouveler et ne pas lasser le public. Il y a beaucoup de réflexions en cours, notamment comment, dans les années futures, on pourrait moderniser, ou changer, le système de visite, créer de nouvelles activités, etc.« 

Retour aux sources

Festival de musique, journées médiévales, Fête des plantes et du massif, restauration, réceptions, séminaires, tournages de films (Last Duel de Ridley Scott en 2020, Le Moine de Dominik Moll en 2010, etc.)… L’abbaye multiplie les canaux pour diffuser son image et faire tourner la boîte. Exemple avec le désormais célèbre Trail de Fontfroide, organisé chaque année par l’Athlétic club Narbonne Méditerrané. « On accueille environ 1 600 coureurs sur un week-end pour des parcours avec de diverses distances :
9, 16, 35 et 55 km. C’est important pour nous car ça nous permet d’accueillir un autre public, faire rayonner le site et, surtout, faire connaître le massif. »

Celui-ci, classé Natura 2000 et partie du Parc naturel régional de la Narbonnaise, est la dernière conquête de Fontfroide.  « Pendant très longtemps, Fonfroide, c’était que le patrimoine. De plus en plus, on essaie aussi d’intégrer le massif  dans notre communication, et aussi dans notre événementiel comme lors de la fête des plantes avec des balades accompagnées. On est aussi en train aussi de créer deux sentiers dont le premier ouvrira, on l’espère, à l’automne. » 

Baptisé le ”Sentier des sources”, celui-ci permettra aux visiteurs d’explorer les alentours en remontant, littéralement, jusqu’à l’origine de l’abbaye. Une source d’eau fraîche, la ”fontaine froide” qui a donné son nom au site. « Ce sentier va permettre aux gens d’aller vers la source et de découvrir le système hydraulique qui avait été mis en place par les moines, qui permettait d’amener l’eau de la source jusqu’à Fontfroide. » Un nouveau moyen de relier le passé au présent.

Cyril Durand

L’été, des « Visites épiques » avec des comédiens costumés sont proposées © Abbaye de Fontfroide.


Programme estival

L’abbaye est ouverte à la visite de 9h30 à 19h30 durant l’été avec un restaurant, midi et soir (réservations au 04 68 41 02 26). Durée visite en autonomie (possibilité visites guidées) : 1h15-1h30. Tarifs : adulte : 14€, 6-25 ans / PMR : 10€. Famille (2 adultes + 2 enfants) : 42€. En plus de l’exposition de Spi-K-Tri visible jusqu’au 8 septembre, une ”Visite épique” (photo) sera proposer du 23 juillet au 22 août pour découvrir l’abbaye accompagné par des guides-comédiens. en costume d’époque (durée : 1h15). Les mardis, mercredis et jeudis (18h30 et 21h45. Tarif : 20 € ; 6-25 ans/PMR : 14€ ; tarif Famille (2 adultes et 2 enfants) : 57 €.  Samedi 27 juillet, à 21 h, concert du Troubadours Art Ensemble (tarif : 15€ ; réduit : 12€ (membres des associations Amis de Fontfroide et MAGFF, demandeurs d’emploi, étudiants). Le massif de Fontfroide est fermé du 12/07 au 31/08 (lire notre article).

Infos et réservations sur le site : www.fontfroide.com

Photo principale : L’abbaye de Fontfroide depuis son cloître © Cyril Durand.

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