Le Somail : le Trouve tout du livre, caverne d’Ali Baba pour lecteurs avides

access_time Publié le 23/05/2024.

Le Trouve tout du livre © Cyril Durand.

Le nom est aussi ambitieux que le rêve est grand. A l’image de celui qui fonda cette librairie aux allures de contes de fées, Raymond Gourgues : arriver à dénicher pour ses clients n’importe quel ouvrage. “Quand il est arrivé sur le marché du livre en 1960, à  Paris, il y avait très peu de bouquinistes. C’est lui-même, en cherchant un livre qu’il ne trouvait pas, qu’il s’est dit : là, il y a peut-être quelque chose à creuser”, relate aujourd’hui sa fille aînée, Nelly Gourgues, entourée de livres. C’est ainsi qu’il travailla pour “le premier service de recherche de livres” de la librairie Hachette.

Un destin lié à celui du canal

Il se constituera, au fil de ses recherches fructueuses, un petit pécule qui lui permettra de partir dans le Sud pour installer, au bord du Canal du Midi, une librairie de livres anciens et d’occasion digne du surnom dont le baptisèrent ses collègues parisiens : “Le Trouve tout du livre”. “Il est arrivé en 1980 au Somail, alors qu’il n’y avait rien, le canal n’était pas vraiment connu du public français à cette époque, détaille Nelly Gourgues, puisque c’était deux compagnies anglaises seulement qui faisaient naviguer des anglais sur notre canal du Midi.”

A cette époque, la librairie “n’est qu’un petit couloir de 16 m de long et 3 m de large, rempli d’objets”. Ce n’est qu’en 1990 que la grande salle, un ancien entrepôt de marchandises datant du XVIIIe siècle, a été inaugurée. “Le canal du Midi a été répertorié au patrimoine mondial de l’Unesco la même année, donc ça a commencé à nous amener beaucoup de monde, d’où cet espace qui a eu tout de suite pas mal de succès”, explique-t-elle.

Une librairie à la page

Un succès que ne s’est jamais démenti depuis, et ce malgré le décès de son fondateur en 1996. “Ma mère a pris la relève jusqu’à sa retraite en 2011”, indique leur fille aînée qui a, à sa suite, repris les rênes de la boutique. Elle veille à garder la librairie à la page malgré un classement à faire pâlir un informaticien. “On travaille à l’ancienne, avec la mémoire”, confie Nelly Gourgues, fière résistante à l’hégémonie du référencement googlisé. Ici, il faut parler et échanger avec les libraires pour trouver son bonheur. “Nous avions un service internet mais nous l’avons arrêté l’année dernière, cela nous prenait trop de temps.”

Nelly Gourgues, la gérante et fille du fondateur de la librairie. © Cyril Durand.

Malgré les six employés qui s’activent à ses côtés, le travail ne manque pas. “On range, on classe, on trie et après on va chercher s’il y a besoin pour quelqu’un, nous avons une immense réserve. On doit trouver tout ce qu’on nous demande et c’est très varié, parce qu’on travaille beaucoup avec les écrivains, les conférenciers, les historiens, les auteurs évidemment, et les collectionneurs.”

Un travail de fourmis croulant sous le poids des mots. “Du moment où un livre arrive pour la première fois jusqu’au moment où on va le mettre en rayon, on peut l’avoir manipulé jusqu’à sept fois”, explique la libraire qui rachète à la pièce les ouvrages dont elle a besoin pour garnir ses rayons.

Des étagères pleines à craquer sur lesquelles, il est vrai, on trouve de tout : polars, romans, livre d’arts, bandes dessinées, reliures de collections et vieux grimoires parmi tant d’autres curiosités. “On essaye de sans cesse améliorer le magasin, confie-t-elle. J’ai effectué beaucoup de transformations en 2012, avec l’espace pour les enfants, la pochotèque, la salle des revues qui est dehors. Et il y a à peu près cinq ans, nous avons créé le deuxième étage dédié aux beaux-arts, au cinéma et à la photo et j’ai aussi agrandi le coin pour les bandes dessinées avec le coin Marvel et comics.”

Alchimie et vieux grimoires

Au rayon des livres les plus demandés actuellement : “Les quatre accords toltèques”, un livre mexicain de développement personnel de Miguel Ruiz (publié en 1999 pour sa traduction française), “Le Petit Prince”, les auteurs populaires comme Marc Lévy ou Musso… “Par contre, ce qui est nouveau pour nous depuis peu, c’est une jeune clientèle – 18, 20, 25 ans – qui veut se faire plaisir en s’achetant un beau livre ancien, une belle reliure. C’est plutôt à la mode, ça doit faire bien dans la bibliothèque”, suppose Nelly Gourgues.

Les ouvrages d’alchimie et les grimoires “sont également très rares et très recherchés”, tout comme ceux avec des enluminures. “Le livre le plus ancien que j’ai actuellement date de 1638, un traité sur la Suède ou les Pays-Bas, je ne sais plus.” Les plus belles pièces, comme cette édition enluminée du XIXe siècle des “Lettres de mon moulin” d’Alphonse Daudet, illustrée par Henry Lemarié. Compter plusieurs centaines d’euros pour acquérir l’un des ces éditons.

Les sept employés réalisent le classement et le référencement des livres à la main. © C. D.

Cette offre pléthorique a fait le succès de cette librairie dont le nom n’est plus à justifier. La réputation et le bouche-à-oreille ont fait le reste pour attirer dans les rayonnages lecteurs avides et visiteurs curieux, été comme hiver, touristes comme locaux. “On a un tel succès, sourit l’heureuse gérante. Il y a quelques années, nous vendions en moyenne 100 articles par jour avec des pics à 600 en juillet-août, mais je crois qu’on a dépassé ce stade là. Ce sont principalement des livres mais ça peut être des revues, des cartes postales et des magnets.” Le Géant Amazon peut bien continuer d’exister, le Trouve tout du livre ne se sent pas menacé.

Cyril Durand

Le Trouve tout du livre, 28 allée de la glacière, Le Somail, dans le village de Saint-Nazaire d’Aude.
– Ouvert tous les jours de l’année de 9h à midi et de 14h30 à 18h30. Seulement fermé du 15 novembre au 30 novembre et le 25 décembre et le 1er janvier. Ouvert seulement de 14 h 30 à 18 h 30 en décembre, janvier, février, mars. Ouvert non-stop de 9h à 19h30 en juillet et août.
– Contact : tél. 04 68 46 21 64 ; mail : le.trouve.tout.livre@gmail.com.

Photo principale : la librairie a été aménagée dans un ancien entrepôt du XVIIIe siècle au bord du canal du Midi, au Somail, à Saint-Nazaire d’Aude. © Cyril Durand.

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