Le maréchal Jean de Lattre de Tassigny est passé à la postérité en tant que l’un des militaires les plus distingués de l’Histoire de France. De nombreuses villes de l’Hexagone comptent aujourd’hui une rue qui porte son nom. Mais que savez-vous réellement de celui qui était surnommé « le roi Jean » ?
L’histoire de cet homme au parcours hors du commun débute le 2 février 1889 en Vendée. Natif de Mouilleron-en-Pareds, le jeune Jean se destine très rapidement à une carrière militaire. Après des études au collège de Poitiers, il intègrera brillamment Saint-Cyr, se classant quatrième sur plus de deux cents candidats, nous sommes en 1908, Jean vient alors de fêter ses 19 ans.
Alors que les tensions s’exacerbent en Europe, le jeune militaire qui a intégré entre-temps l’école de cavalerie de Saumur, sera nommé sous-lieutenant du 12e régiment de dragons basé en Meurthe-et-Moselle. Lorsque la guerre éclate, Jean sera blessé dès le 11 août 1914 par un éclat d’obus, lors d’une opération de reconnaissance.
Un mois plus tard, alors que les charges de cavalerie sont toujours d’actualité dans une guerre qui s’industrialise, il recevra un coup de lance d’un uhlan* bavarois lors d’un assault à la tête de son peloton de dragons. Alors qu’il se remet de ses blessures, les Allemands progressent sur la ligne de front. La ville de Pont-à-Mousson où il se rétablit est prise et il doit se cacher dans une cave pour éviter d’être capturé.
*un uhlan est une unité de cavalerie utilisée traditionnellement dans les pays germaniques.
Il ne devra son salut qu’à l’intervention du sous-lieutenant Schmeltz, qui en reconnaissance à la tête de ses hussards, parviendra à le faire évacuer. Alors que la guerre de mouvement se poursuit, le conflit lui va peu à peu évoluer vers une immobilisation du front. En 1915, Jean de Lattre de Tassigny est affecté en tant que capitaine au 93e régiment d’infanterie à Verdun.
Verdun, l’enfer sur Terre
La guerre dans toute son horreur fait alors rage. A Verdun, ils sont des centaines, parfois des milliers de part et d’autre, à tomber quotidiennement au champ d’honneur. Jean y restera plus de seize mois. Il se battra également au Chemin des Dames, à l’importance stratégique capitale pour l’acheminement des renforts et du matériel sur le front.
Là encore, il ne sera pas épargné par les blessures. Atteint à cinq reprises, il survivra finalement à la Grande Guerre avec huit citations, dont la Military Cross et la Légion d’honneur. L’Entre-deux-guerres verra alors Jean être affecté au Maroc où il participera à la guerre du Rif lors de la révolte d’Abdelkrim en 1925.
En 1928, revenu en France, il suit des cours à l’Ecole de guerre alors que son épouse donne naissance à son fils Bernard. Il gravit progressivement les échelons jusqu’à devenir chef-major du général Héring, alors gouverneur militaire de Strasbourg. Nous sommes alors à la veille du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1938.
Le monde s’embrase à nouveau
Alors que l’Allemagne envahit la Pologne, la France se retranche derrière la ligne Maginot. Jean de Lattre de Tassigny est alors promu général de brigade est devient à 50 ans le plus jeune général de France. Nommé commandant de 14e division d’infanterie, il repoussera à plusieurs reprises les troupes de la Wehrmacht dans l’Aisne, finalement passées par la Belgique.
Mais la Bataille de France va tourner court. Au cours de la déroute de l’armée française, la « Divison des As » celle menée par De Lattre de Tassigny parvient à retarder les Allemands – notamment en Champagne – et à conserver son organisation malgré la retraite. L’armistice est donc signée et la partie nord et ouest de la France est occupée, alors que le sud est réorganisé sous le régime de Vichy.
Un temps au service de l’armée de Vichy, Jean de Lattre de Tassigny va progressivement s’attirer les foudres du superviseur allemand. Muté en Afrique du nord, sous mandat vichyste, le général refusera d’approvisionner les troupes de l’Afrika Korps en Libye. Il sera alors rapatrié en métropole et conservera son poste dans l’armée malgré l’hostilité affichée par les Allemands.
Ralliement à de Gaulle
Alors que la situation évolue en Europe, suite au débarquement allié en Afrique du nord, les troupes américaines et britanniques progressent en Algérie, alors que Vichy donne l’ordre à ses troupes de ne pas prendre parti entre Alliés et Axe. Que ce soit d’un côté ou de l’autre. Mais le militaire sera le seul commandant vichyste à donner l’ordre de s’opposer aux Allemands.
Il le paiera par une arrestation et écopera d’une peine de dix ans de détention à la prison de Montluc sur Lyon. Il parviendra finalement à s’évader notamment grâce à l’aide de résistants en septembre 43. Il s’envolera pour Londres à bord d’un avion clandestin, puis ralliera Alger. Entre-temps, il sera nommé général d’armée par de Gaulle.
Il participera pleinement au débarquement de Normandie (opération Dragoon) à partir du 15 août 1944, étant à la tête de 250 000 hommes, répartis en sept divisions. Avec l’aide des Américains et des Forces françaises de l’intérieur, Toulon et Marseille sont libérés le 27 et le 29 août, garantissant deux ports en eaux profondes pour permettre l’acheminement des renforts et du matériel.
Trois mois plus tôt, les Alliées ont débarqué en Normandie. Le débarquement de Provence constitue ainsi un deuxième coup de poignard pour un Reich déjà à l’agonie, dont la grande majorité des troupes sont engagées sur le front de l’est face aux Soviétiques.
La progression des deux armées est alors inéluctable et les Alliées font la jonction à proximité de Dijon. Un temps bloqué par la résistance allemande dans les Vosges puis la contre-offensive dans les Ardennes, de Lattre de Tassigny défend ardemment Strasbourg au prix de lourdes pertes, en janvier 1945.
Mais la victoire finale est d’ores et déjà acquise. Le roulot compresseur russe à l’Est est inarrêtable et les Alliés en large supériorité numérique progressent très rapidement dans une Allemagne ravagée. De Lattre atteint Karlshruhe puis Stuttgart avant d’atteindre Ulm, jusqu’au col de l’Arlberg en Autriche.
Le 8 mai 1945, le général de Lattre de Tassigny aura l’insigne honneur de représetner la France à la signature de la capitulation allemande à Berlin, au quartier général du maréchal soviétique Joukov.
L’Indochine, ultime épreuve de sa vie
Depuis 1946, la guerre d’Indochine a éclaté, prélude à la Guerre froide qui s’annonce entre communistes au nord et loyalistes au sud. Nommé commandant en chef du corps expéditionnaire français, il arrive à Saïgon en décembre 1950. Après six mois exceptionnels où De Lattre redresse la situation après une série de victoires significatives, l’année 1951 s’achèvera de manière tragique.
Il perdra son fils Bernard tué au combat lors de la victoire de Ninh Binh au mois de mai, avant de voir son cancer de la hanche s’aggraver. Usé physiquement et moralement, il sera rapatrié pour être opéré. Il s’éteindra ainsi le 11 janvier 1952 des suites d’une opération à Neuilly-sur-Seine.
Un hommage national lui sera rendu le jour de ses obsèques auxquelles assisteront Charles de Gaulle, Dwight Eisenhower et Bernard Montgomery. Le président Vincent Auriol lui attribuera le jour même la dignité de Maréchal de France (ph. wiki).