Tout Audois a un jour mis les pieds dans un endroit qui porte aujourd’hui son nom. Le boulevard Jean Jaurès à Carcassonne ou la rue Jean Jaurès à Narbonne… Autant de lieux d’importance en plein centre-ville, qui illustrent l’importance de ce nom, passé à la postérité. Mais au final, que savons-nous réellement de Jean Jaurès ?
L’histoire de Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès débute le 3 septembre 1859. Né au sein d’une famille bourgeoise à Castres, le jeune Jaurès se prendra très tôt au « jeu » de la politique. Agrégé de philosophie à l’Ecole normale supérieure, il débutera en politique en tant que républicain modéré, partisan de Jules Ferry.
Désigné candidat (sixième de liste) par le congrès des républicains d’Albi pour les élections législatives d’octobre 1885, il est finalement élu en tête dès le premier tour, le 4 octobre. Homme de caractère mais hostile à toute forme de radicalisme, Jean Jaurès adhèrera progressivement aux idéaux socialistes.
Condamnant toute forme de violence, il n’en reste pas moins intimement conscient des difficultés rencontrés par les travailleurs, notamment le sort des mineurs pour lesquels il militera ardemment tout au long de son premier mandat de député.
L’éveil vers le socialisme
Battu quatre ans plus tard aux législatives par un concurrent monarchiste, Jean Jaurès perd donc son siège à l’Assemblée. Il reprendra donc ses études à la faculté de Toulouse où il sera reçu docteur ès lettres trois ans après, nous sommes alors en 1892.
Une période qui verra Jaurès poursuivre son activité politique en parallèle et qui marquera définitivement son basculement vers le camp socialiste. Malgré son attachement au parti républicain, qu’il juge très proche idéologiquement.
Dès 1892, éclateront les grèves de Carmaux, elles ébranleront la société toute entière. Elle diviseront profondément l’opinion publique, touchée par le sort de Calvignac à la fois maire de Carmaux et ouvrier mineur, licencié par son patron et opposant politique.
Pour la classe ouvrière, ce n’est ni plus ni moins qu’une remise en question de la démocratie, des grèves sont aussitôt décidées pour défendre « leur » maire. Ce mouvement recevra le soutien de Jaurès mais aussi de Clemenceau, surtout quand le président Sadi Carnot décidera l’envoi de 1500 soldats pour rétablir la situation.
Pour beaucoup, c’est un parti pris du pouvoir en place pour le patronat et contre les grévistes. C’est dans ce contexte que Jean Jaurès sera confronté de près à la lutte des classes et du socialisme. Celui qui avait alors l’image d’un « républicain social » et intellectuel bourgeois, sera définitivement convaincu par le socialisme.
Député socialiste, acteur politique majeur
Jaurès regagne son siège en 1893. Grand défenseur des mineurs de Carmaux à la Chambre des députés, Jaurès ne cesse de donner de la voix. Toujours à Carmaux, il défendra par la suite la grève des verriers. Il s’engagera par la suite à dénoncer les crimes commis par le Sultan ottoman sur les populations arméniennes.
Lorsque l’affaire Dreyfus éclate en 1898, Jaurès est au départ convaincu de la culpabilité du capitaine. Il milite même pour une exemplarité de la sanction au vu des faits reprochés. Mais lorsque les premiers éléments tendent vers une révision du procès, notamment après la révélation du faux commis par le commandant Henry, Jaurès s’engage sans équivoque dans la défense de Dreyfus. Sa renommée en fait alors un politique d’envergure nationale.
Il paiera cependant dans les urnes son engagement en faveur du capitaine Dreyfus. Battu aux élections de 1898, Jaurès va alors se consacrer au journalisme et au militantisme, notamment au sein de La Petite République, journal socialiste républicain qu’il co-dirige.
Un XX siècle charnière
En 1902, Jean Jaurès participe activement à la fondation du Parti socialiste français. Il parviendra également à retrouver son siège de député, qu’il conservera jusqu’à la fin de sa vie (réélu en 1906,1910 et 1914). Il co-rédige la loi de séparation des Eglises et de l’Etat.
En 1904, Jaurès fonde L’Humanité qu’il dirigera là aussi jusqu’à sa mort. Il lui servira notamment d’instrument pour favoriser l’unité socialiste nationale, mais aussi à l’international avec la création de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO).
Parmi les autres événements qui marqueront la fin de sa vie : la révolte des vignerons du Midi de 1907 sera pour lui l’occasion de se mesurer à Clemenceau, où les deux hommes s’opposeront avec virulence. Le premier prend fait et cause pour les manifestants, là où Clemenceau, alors président du Conseil, s’inquiète de cette situation explosive.
Jaurès sera l’un des plus ardents militants pour l’abolition de la peine de mort. Le 18 novembre 1908, il se présente devant la Chambre pour y tenir un discours qui marquera les esprits, mettant en évidence son incompatibilité avec la foi chrétienne et la morale républicaine. Il faudra finalement attendre 1981 pour voir l’abolition de la peine de mort en France.
Pacifiste jusqu’au bout, jusqu’à son assassinat
Alors que les tensions s’exacerbent en Europe, Jaurès lui ne cesse de prôner l’unité des peuples face à la montée du nationalisme et des rivalités impérialistes des grandes puissances. Ainsi, l’année 1914 semble relancer les espoirs de paix : la guerre dans les Balkans est finie, les élections en France sont un succès pour les socialistes.
Mais l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche François Ferdinand le 28 juin 1914, vient mettre le feu aux poudres. Alors que le monde retient son souffle avec l’ultimatum autrichien envoyé à la Serbie, Jaurès lui veut arracher la paix en menaçant de grève générale en cas de conflit.
Le 31 juillet, soit trois jours après la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie, Jean Jaurès paiera de sa vie son combat pacifiste. Raoul Villain, le bien nommé, tire deux coups de feu à bout portant sur le député attablé à un café. Jaurès s’effondre alors, il avait 55 ans.